Suite à la dissolution du gouvernement et à la formation d’une nouvelle équipe sans ce magistrat de renom, les observateurs en Guinée et ailleurs se demandent si le combat pour la moralisation de la gestion publique risque de perdre en vigueur, d’autant plus que cet homme était considéré comme l’incarnation de la lutte contre les malversations financières, un pilier central de la refondation chère au président de la République, le Général Mamadi Doumbouya.
Aujourd’hui des incertitudes naissent quant à l’orientation de la politique pénale du nouveau gouvernement :
– S’achemine-t-on vers une application affaiblie ou déviée des mesures prises pour lutter contre la délinquance financière et les crimes, essentielles pour garantir le principe de redevabilité dans la gestion publique ?
– Quel impact une interruption de cette dynamique aurait-elle sur les objectifs de refondation et de rectification institutionnelle défendus par les autorités de la transition ?
– Le Président de la République acceptera-t-il un retour aux pratiques anciennes auxquelles son ancien Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, s’opposait farouchement ?
L’arrivée au pouvoir du Conseil National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), dirigé par le chef des Forces Spéciales d’alors un mémorable 5 septembre, a suscité chez les Guinéens l’espoir d’une justice indépendante, implacable contre la corruption, les abus et l’impunité pour tous types de crimes. Cette ambition du CNRD pour une nouvelle ère judiciaire en Guinée s’est déjà concrétisée par des actions telles que le rajeunissement des effectifs judiciaires, notamment par la nomination de jeunes magistrats à des postes stratégiques.
Sans occulter bien sûr d’autres initiatives salvatrices, parmi lesquelles l’amélioration des conditions de détention, avec la rénovation et l’extension des centres pénitentiaires confrontés à des problèmes d’insalubrité, de sécurité et de surpopulation, en veillant aux respect strict des droits des détenus.
Mais le fait d’arme qui fait entrer définitivement dans les annales l’ancien Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, c’est sans doute la mise en place et l’application rigoureuse d’une politique pénale novatrice dont le pays avait grand besoin.
Il s’est agi ainsi de promouvoir une bonne gouvernance et de contribuer à l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (Paix, Justice et Institutions efficaces). Une politique basée sur les valeurs d’impartialité, d’intégrité, de redevabilité et de rigueur, avec une réponse judiciaire rapide, efficace et respectueuse des droits de l’homme, de la primauté du droit et de l’égalité devant la loi.
La mise en place de cette politique a rencontré, comme il fallait s’y attendre, des résistances de la part de délinquants financiers dans le désarroi et tous ceux qui souhaitaient maintenir l’ancien système gangrené par une corruption tentaculaire. Et pour eux Charles Alphonse Wright est naturellement une cible à abattre, une menace à écarter.
Cette politique pénale repose sur des principes clés, tels que la prompte action judiciaire, la protection des victimes, le respect des droits de la défense, l’efficacité de la police judiciaire, l’individualisation de la réponse pénale, le recours à la détention uniquement lorsque nécessaire, la spécialisation de la justice des mineurs et l’efficacité de l’exécution des sanctions pénales. Le respect de la présomption d’innocence et la supervision des affaires par des procureurs généraux et des procureurs d’instances étaient essentiels pour assurer le bon déroulement des procédures.
Cette politique repose sur quatre axes pour garantir une justice efficace et a permis de mettre fin à des pratiques telles que les convocations payantes, les rackets, le traitement des questions de dette dans les services de police et de gendarmerie, ainsi que le respect des délais de garde à vue.
On ose croire qu’un tel acquis, dont devraient être fiers tous les compatriotes épris de justice, ne sera pas sacrifié sur l’autel des rivalités claniques et des intérêts mesquins. Ou simplement pour assouvir la haine que l’on voue à un homme probe et inflexible.
Par Mohamed Lamine Sylla
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