Dans un communiqué rendu public ce mardi 31 mai 2022, les autorités de la transition ont réitéré la mesure d’interdiction de toute manifestation de rue. Selon la junte militaire au pouvoir le contexte actuel que traverse la Guinée n’est pas propice à des remous sociaux. Cette décision est diversement appréciée du coté des acteurs sociopolitiques du pays et même à l’internationale. Certains y voient une sorte de réplique au Haut Commissariat des Nations-Unies qui a récemment dressé un tableau sombre en pointant du doigt ce qu’il qualifie de volonté du CNRD de restreindre les libertés en Guinée. Pour en parler la rédaction de Confidence224.com a contacté monsieur Kéamou Bogola Haba, responsable du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDT). Pour cet ancien membre de l’ANAD de Cellou Dalein Diallo, les Nations-Unies se doivent d’être plus compréhensifs vis-à-vis du pouvoir de Conakry. « Nous avons demandé à ce que les Nations-Unies soient compréhensifs à l’égard de la situation guinéenne en faisant la hiérarchie des droits. Nous savons que la manifestation est un droit important mais pas essentiel. Surtout en se référant à la situation qui prévalait avant le 05 septembre où nous avions énormément de guinéens en prison, où nous avions des morts suite à des manifestations. Donc le droit à la vie et le droit à la liberté sont plus importants. Il faut faire l’arbitrage entre les droits. Ce n’est pas parce que les gens ne viennent pas manifester dans la rue qu’ils n’ont pas droit à la liberté comme ce fut le cas avec les prisonniers politiques », a-t-il dit.
Plus loin, monsieur Haba estime qu’au vue du climat délétère qui caractérise le pays en cette période transitoire, les manifestations de rue ne sont pas mieux indiquées pour régler les problèmes politiques. Il justifie cette thèse par le caractère violent qui a souvent été celui des manifestations en Guinée : « Je suis de ceux qui pensent qu’il faut protéger et défendre la vie de nos concitoyens. L’objectif du CNRD c’est zéro mort durant cette transition et il faut les aider à honorer cette volonté. Et je crois que cette décision d’interdiction s’inscrit dans cette logique. Ils ont rappelé le cas du 28 septembre 2009 et d’autres évènements ayant couté la vie à des guinéens et handicapé d’autres à vie. Aujourd’hui la Guinée traverse une période difficile. Et en cette période déjà difficile il faut savoir que c’est la sécurité qui est importante. On lutte contre le terrorisme, on lutte contre les mouvements subversifs au plan intérieur. Donc si nous-mêmes nous créons, à travers des marches, des conditions d’insécurité je pense que ce ne sera pas bon. Le CNRD a dit vrai en estimant que nous ne sommes pas suffisamment matures, suffisamment prêt à garantir les conditions d’une manifestation pacifique. Je pense qu’ils ont raison d’agir de manière préventive pour interdire les manifestations. Les gens ont la possibilité de tenir des meetings dans les sièges mais pas pour manifester dans les rues », déclare l’ex patron du parti UGDD.
Par ailleurs, les Chefs d’Etat de la CEDEAO se réuniront en sommet extraordinaire le 04 juin prochain pour se pencher notamment sur la transition guinéenne. Selon beaucoup de commentateurs, l’institution communautaire prendra quelques sanctions contre le pouvoir de Conakry. Mais pour Kéamou Bogola Haba toute sanction contre la Guinée de la part de la CEDEAO constituerait un risque sécuritaire pour une sous-région déjà en proie à l’insécurité. « Nous disons à la CEDEAO que la Guinée est un ilot de sécurité dans une mer d’insécurité. Dans la sous-région avez des problèmes liés au terrorisme et à la rébellion qui frappent à nos portes. Dieu merci en Guinée vous avez des forces de défense et de sécurité qui se battent pour sauvegarder la paix qu’on a et à mon avis il faut les aider à réussir cette mission. Mais si aujourd’hui ces chefs d’Etat se permettent de prendre des décisions qui fragilisent l’Etat guinéen, cela risque déstabiliser une sous-région déjà en proie à de nombreux foyers de tensions (…)», a-t-il laissé entendre.
Le responsable du Front National Pour la Défense de la Transition (FNDT) invite les Chefs d’Etat de la CEDEAO à davantage rester à l’écoute de guinéens au sujet de la transition en cours. Pour Kéamou Bogola Haba les mésententes internes peuvent être résolues surtout avec l’implication de la CEDEAO. « Il est important que la CEDEAO écoute les guinéens. C’est un problème de fichier et de constitution. Aujourd’hui il ne s’agit pas de dire que les 36mois sont trop. Il faut plutôt se dire qu’est-ce qu’on a à faire durant cette période. Est-ce qu’aujourd’hui la CEDEAO veut du fichier de 2015 (comme le souhaitent certains acteurs) et/ou pourquoi est-ce que les guinéens eux veulent d’un nouveau fichier ? Voilà à mon avis la vraie question parce que quand vous observer l’agenda de la transition c’est la question du nouveau fichier qui prend plus de temps. Chacun est d’accord qu’il faut avoir un bon fichier. Mais ce sur quoi les gens ne s’entendent pas c’est le quand et le comment. La CEDEAO doit plutôt envoyer une délégation ici qui va s’asseoir avec les acteurs pour discuter de toutes ces questions », a conclu monsieur Haba.