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Afrique du Sud : disparition de la dernière grande icône anti Apartheid

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L’archevêque anglican et figure de la lutte anti Apartheid en Afrique du Sud, est mort ce dimanche 2021 au lendemain de la fête de Noël. Il avait eu 90 ans le 7 octobre dernier. Mgr Desmond Tutu, puis que c’est de lui qu’il s’agit, fut une véritable icône de la lutte contre l’apartheid. Le lauréat du Prix Nobel de la Paix en 1984 s’est éteint à jamais ce dimanche 26 décembre. C’est le Président Sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui a confirmé la triste nouvelle par voie de communiqué. « Le décès de l’archevêque émérite, Desmond Tutu, est un nouveau chapitre de deuil dans l’adieu de notre nation à une génération de Sud-Africains exceptionnels qui nous ont légué une Afrique du Sud libérée », a déclaré le président. De Desmond Tutu, Cyril Ramaphosa parle en termes élogieux : « c’est un homme d’une intelligence extraordinaire, intègre et invincible contre les forces de l’apartheid. Il était aussi tendre et vulnérable dans sa compassion pour ceux qui avaient souffert de l’oppression, de l’injustice et de la violence sous l’apartheid, et pour les opprimés et pour les oppresseurs du monde entier », a ajouté Cyril Ramaphosa. The Arch, comme il était surnommé par les Sud-Africains, était affaibli depuis plusieurs mois. Il ne parlait plus en public, mais saluait toujours les caméras présentes à chacun de ses déplacements, sourire ou regard malicieux lors de sa prise de vaccin contre le Covid dans un hôpital ou lors de l’office au Cap pour célébrer ses 90 ans en octobre.

S’ils ont inspiré les foules, les engagements de Desmond Tutu ont aussi beaucoup irrité. Son Église anglicane, par exemple, quand il défendait les droits des homosexuels. « Je ne pourrais pas vénérer un Dieu homophobe », a-t-il affirmé haut et fort. Ou encore plus récemment, le droit de mourir dignement. Le vieillard aux cheveux blanc et aux sourires éclatants dérangeait aussi et surtout la Chine chaque fois qu’il prenait parti pour le Dalaï-lama. Ou encore les gouvernements sud-africains successifs, dont il a dénoncé les turpitudes. Qui aime bien châtie bien, même son ami Nelson Mandela n’a pas échappé à ses foudres. À l’arrivée de ce dernier au pouvoir en 1994, Tutu a reproché à son Congrès National Africain (ANC) une mentalité de « profiteur ». Ses convictions étaient fermes, mais Desmond Tutu les a toujours défendues avec une joyeuse exubérance. Volontiers blagueur, y compris à ses dépens, il n’hésitait pas à agrémenter ses harangues de quelques pas de danse et d’un rire proche du gloussement devenu sa marque de fabrique. Desmond Tutu a acquis sa notoriété aux pires heures du régime raciste de l’apartheid. Alors prêtre, il organise des marches pacifiques contre la ségrégation et plaide pour des sanctions internationales contre le régime blanc de Pretoria. Seule sa robe lui épargnera la prison. Son combat non violent est couronné du Prix Nobel de la Paix en 1984.

À l’avènement de la démocratie dix ans plus tard, celui qui a donné à l’Afrique du Sud le surnom de « nation arc-en-ciel » préside la Commission Vérité et Réconciliation (Truth and Reconciliation Commission) qui, espère-t-il, doit permettre au pays de tourner la page de la haine raciale. « Je marche sur des nuages. C’est un sentiment incroyable, comme de tomber amoureux », confie-t-il. Avant d’ajouter : « Nous, Sud-Africains, allons devenir le peuple arc-en-ciel du monde. » Mais ses espoirs sont vite déçus. La majorité noire a acquis le droit de vote, mais reste largement pauvre. Fidèle à ses engagements, le « curé » du Cap devient alors le pourfendeur des dérives du gouvernement de l’ANC, à commencer par les errements de l’ancien Président Thabo Mbeki dans la lutte contre le Sida. En 2013, il promet même de ne plus jamais voter pour le parti qui a triomphé de l’apartheid. « Je n’ai pas combattu pour chasser des gens qui se prenaient pour des dieux de pacotille et les remplacer par d’autres qui pensent en être aussi », déplorait Tutu. Inlassable militant de l’unité raciale, il ne craint pas en 2011 de proposer une taxe sur la richesse des seuls blancs pour corriger les inégalités. « Ils ont profité de l’apartheid », plaidait-il. À l’étranger, on le voit aussi sur tous les théâtres de conflits, en RD Congo, au Soudan, au Kenya ou en Palestine. Il appelle à juger les dirigeants occidentaux pour la guerre en Irak. Un symbole de gentillesse et de paix, il gagne, chemin faisant,  le cœur de nombreuses personnalités. Le Dalaï-lama fit de lui son « frère aîné spirituel », le président américain Barack Obama parlait justement « d’un symbole de gentillesse et de paix ». Et le dernier président sud-africain blanc Frederik de Klerk confessait, « un immense respect pour sa témérité ». Nelson Mandela en faisait même un saint. « Dieu attend l’archevêque, il va l’accueillir à bras ouverts », écrit-il. « Si Desmond arrive au paradis et se voit refuser l’entrée, alors aucun de nous n’y entrera », concluait Mandela. La mort de cette icone sonne comme la fin d’une ère doublée à la fois de tristesse et de joie dans une Afrique du Sud au passé tumultueux. La rédaction de Confidence224.com présente ses condoléances à l’Afrique, à la Nation Arc-En-Ciel et à la famille biologique.

Mamady Kansan Doumbouya
Journaliste et analyste politique.

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