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Militaires oubliés dans les prisons de Kankan : « même à nos pires ennemis nous ne souhaitons pas ce que nous vivons en prison ici à Kankan »

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Aujourd’hui ils ne sont que 32 officiers, sous-officiers et hommes de rang à être encore en vie dans les geôles de Kankan. Tous arrêtés sous le règne du Président Alpha Condé pour atteinte à la sureté de l’Etat, ces hommes en uniforme qui, déjà, ont perdu de nombreux codétenus, tirent la sonnette d’alarme et invitent les nouvelles autorités à se pencher sur leur cas. Contacté par la rédaction de Confidence224.com, l’un d’eux qui est Commandant de grade est revenu en détails sur les circonstances de leur arrestation et surtout sur leurs conditions de détention. Privé de liberté depuis trois ans, l’officier qui a souhaité garder l’anonymat a formulé un message, pour le moins pathétique, à l’endroit des nouvelles autorités du pays. (Interview)

Confidence224.com : Bonjour Commandant X ! Dites-nous dans quelle prison vous vous trouvez présentement, depuis combien de temps et dans quelles conditions vous y vivez ?

Commandant X : Nous sommes depuis le 11 novembre 2020 à la Maison Centrale de Kankan et nous avons été déférés par le Tribunal Militaire à la suite de notre arrestation depuis le 7 février 2019. Ici présentement nous sommes au nombre de 32 détenus. Il faut dire que nous sommes dans des conditions difficiles, loin de nos familles. Nous ne mangeons pas comme il se doit et quand on tombe malade on se soigne nous-mêmes. D’ailleurs il faut dire que sur ce plan c’est seulement certains officiers de la Maison Centrale d’ici qui font ce qu’ils peuvent pour nous en termes d’assistance quand nous tombons malade. Beaucoup de nos amis sont malades au moment où je vous parle et d’autres mêmes ont succombés suite à nos conditions de détention. Ici nous sommes des oubliés, personnes ne parle de nous et nous sommes incarcérés sans aucune forme de procès. On nous accuse d’atteinte à la sureté de l’Etat depuis l’ère du Président Alpha Condé. Depuis février 2019 nous sommes là sans procès. Ici nous vivons comme nous pouvons. Quand on gagne à manger on se nourri et le jour qu’on en a pas on se couche ventre vide. Vraiment ce qu’on je vous raconte, il faut être ici pour y croire. Même à nos pires ennemis nous ne souhaitons pas ce que nous vivons ici à Kankan. Nous dormons tous à terre et nous n’avons droit à aucune visite.

Confidence224.com : Donc si je vous comprends bien, depuis vos arrestations jusqu’à date vous n’avez été présentés à aucun juge, c’est ça ?

Commandant X : Bon, le premier groupe qui avait été arrêté en 2019, nous avons commencé la procédure à Conakry. Il restait juste cinq personnes pour passer derrière les barreaux mais malheureusement la procédure a été interrompue à cause, dit-on, de la Covid19. Depuis lors nous avons été déplacés de Conakry pour Kindia. Dans ce convoie nous étions au nombre de 16 personnes. A la veille de la présidentielle du 18 octobre 2020, une mission est venue à la Maison Centrale de Kindia pour nous sortir de prison et nous conduire à Conakry. On nous disait que c’était une mission d’Etat. Alors que nous étions en route pour Conakry, notre convoie a été attaqué à Kourya, précisément à Gombokhory. Des hommes ont ouvert le feu sur nous alors que nous étions désarmés. Moi qui vous parle, j’ai pris une balle et certains de nos amis ont été abattus sur place. C’est ainsi que nous qui n’avons pas été tués sur place nous avons été conduit à la Maison Centrale de Conakry. Et de Conakry on nous a embarqués cette fois-ci pour la prison de Kankan. Depuis lors nous sommes ici et personnes ne nous a parlé jusque-là de procès. Quand on pose la question ici pour nos procès on nous dit qu’il n’y a pas de moyens pour le tenir. Cela fait 3ans que nous sommes en prison.

Confidence224.com : Maintenant nous avons de nouvelles autorités à la tête du pays. Quels appels avez-vous à lancer à l’endroit principalement du Président Mamady DOUMBOUYA ?

Commandant X : L’appel que nous avons à lancer à l’endroit du Colonel Mamady DOUMBOUYA c’est de lui dire qu’il a aujourd’hui ses frères d’armes qui sont là et qui sont emprisonnés injustement par les autorités d’alors. Ils n’ont rien fait. Ils ont été arrêtés par de simples suspicions sans fondement aucun. Ont dit ils auraient, il paraitrait ou encore il semblerait. Il n’y a aucune preuve retenu contre nous et cela dure depuis trois bonnes années. Même lorsque le procès avait commencé, ils n’ont pu présenter aucune preuve de ce qu’ils ont appelé ‘’atteinte à la sureté de l’Etat’’. Demandez à nos avocats, Me Béa et ses collègues. Demandez-les et ils vous confirmeront tout ce que je vous dis. Là-bas nous étions une vingtaine de personnes et jamais il n’y a eu la moindre preuve qui a été présentée contre nous. Parmi les 24 personnes dont le procès avait été entamé deux sont aujourd’hui décédés. Donc nous prions les nouvelles autorités de nous aider à retrouver nos familles car nous ne sommes coupables de rien. Et si elles ne peuvent pas nous libérer sans jugement alors nous les implorons de bien vouloir ouvrir notre procès pour que nous puissions nous défendre et retrouver vite nos familles. On ne peut pas croupir comme ça en prison à la merci de toute sorte de maladies et même de la mort. Nous ne sommes responsables de rien. Nous prions l’actuel président de penser à nous, de nous aider à recouvrer nos libertés. Nous n’avons rien fait à la Guinée et nous ne ferons rien contre ce pays. Nous lui avons servi loyalement et nous sommes prêts à lui servir avec le même amour, le même patriotisme. Si nous sommes où nous sommes aujourd’hui c’est par suite de mauvaise foi d’un groupe qui a décidé de nous faire souffrir sans aucun fondement. C’est un dossier vide qui a été monté de toutes pièces rien que pour diviser l’armée et satisfaire un homme. Donc Dieu merci nous avons aujourd’hui quelqu’un qui est venu pour unir le pays et rassembler l’armée. Nous lui implorons de penser à ses frères d’armes en nous permettant de retrouver nos familles.

Entretien réalisé par Mohamed Lamine SYLLA
(00224) 625 25 00 40

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