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L’ordonnance portant modification des conditions d’accès à la magistrature : ce qu’en dit l’avocat Mohamed Traoré

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L’ordonnance portant création de la Cour de répression des infractions économiques et financières a été précédée de celle modifiant les conditions d’accès à la magistrature. Ainsi, un avocat ou un enseignant-chercheur peut désormais embrasser la carrière de magistrat à condition d’avoir totalisé cinq années de pratique professionnelle. Pour les avocats en particulier cette possibilité a toujours existé dans la mesure où il y avait déjà une passerelle ente les professions de magistrat et d’avocat. Ce qui est nouveau, c’est le nombre d’années d’exercice nécessaire pour passer d’une profession à une autre. Avant la modification du statut des magistrats, pour devenir magistrat, un avocat devait exercer sa profession pendant quinze années et pour qu’un magistrat puisse devenir avocat, sans passer par un examen, il devait totaliser dix années de pratique professionnelle. Ce qui est nouveau, c’est la réduction du nombre d’années de pratique nécessaire pour qu’un avocat puisse devenir magistrat. Au lieu de quinze années de pratique, c’est désormais cinq petites années. Quant au nombre d’années de pratique exigé pour qu’un magistrat puisse exercer la profession d’avocat, les anciennes dispositions légales sont maintenues. C’est ce qui a amené le Président de l’Association des magistrats de Guinée à parler de déséquilibre. Il n’a peut-être pas tort sur ce point.

Mais pour comprendre ce “déséquilibre”, il faut garder à l’esprit qu’en tenant compte du ratio nombre de magistrats/ population, la Guinée connaît un déficit de magistrats. Ce déficit pourrait se creuser davantage avec la mise en place de la CRIEF. En effet, cette juridiction spéciale aura besoin d’une vingtaine de magistrats pour son fonctionnement. Ces magistrats viendront sans doute des juridictions ordinaires. Ainsi, par rapport aux préoccupations au CNRD, le pays a encore besoin de plus de magistrats. C’est pourquoi, cet assouplissement des conditions d’accès à la profession de magistrat. La voie choisie pour atteindre l’objectif que le CNRD s’est fixé peut être critiquable en ce sens qu’elle est perçue comme une banalisation ou une dévalorisation perceptible de la profession de magistrat. C’est peut-être sur ce point que le Conseil Supérieur de la Magistrature et l’Association des Magistrats de Guinée devront être plus regardants. L’assouplissement des conditions ne doit pas signifier absence de conditions. Les enseignants- chercheurs et les avocats qui accéderont à la profession par le biais des nouvelles dispositions légales ne devront pas être n’importe qui. Leurs dossiers de candidature doivent être examinés avec toute la rigueur requise.

Certains avocats pourraient être intéressés par la magistrature pour la simple raison qu’ils n’ont pas pu s’imposer dans leur profession et à cause des salaires attractifs des magistrats sans offrir des garanties de compétence et de probité. Il en est de même des enseignants-chercheurs dont on sait qu’ils sont pas bien payés et qui pourraient trouver dans l’exercice de la profession de magistrat l’occasion d’avoir de meilleurs salaires sans toutefois remplir les conditions requises pour être des magistrats dignes de ce nom.

Par Mohamed Traoré,
avocat et ancien
Président du barreau
de Guinée

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