21 novembre 2024
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Lettre ouverte au Colonel Mamadi Doumbouya (Mamadou Samba Sow)

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Mon Colonel, Monsieur le Président !
Le 05 septembre 2021, j’ai suivi avec soulagement votre action libératrice du peuple de Guinée. Les premières décisions prises par le CNRD ont rassuré plus d’un guinéen. Un vent nouveau a soufflé sur le pays. L’espoir a commencé à renaitre, la parole s’est libérée, l’insécurité galopante sous Alpha Condé s’est dissipée.
Il faut cependant admettre qu’il y a des risques de voir notre transition déraillée, ce qui n’est pas du goût de tout guinéen soucieux de l’avenir de notre chère nation.

Colonel Doumbouya !
La manière dont le CNRD mène les opérations de récupérations des domaines de l’Etat constitue à mon avis, une véritable source de déchirure du tissu social. Pendant que votre régime a décidé de lancer les Assises nationales destinées à faire la lumière sur notre passé sombre et permettre aux guinéens de se réconcilier surtout avec l’Etat, vous enclenchez en même temps des actions de démolition de maisons à Conakry et à l’intérieur du pays. Bref, vous versez de nouvelles larmes au moment où vous tentez d’essuyer celles versées avant vous. Quel paradoxe !
Pour moi, il n’y a aucune urgence à récupérer ces domaines de l’Etat. La priorité comme vous devez le savoir reste l’amélioration des conditions de vie des populations à travers la maitrise des prix des produits sur les marchés, la poursuite de l’aménagement des routes, l’accès facile à l’eau, l’électricité ainsi que la lutte contre la corruption et l’impunité.

Monsieur le Président !
Le comité de récupération des domaines de l’Etat devrait agir dans le total respect de la loi. Malheureusement, des agents accompagnés des autorités militaires descendent sur le terrain, mettent des croix sur les bâtiments des pauvres populations et somment ces dernières de libérer les lieux qu’elles occupent en 72 heures au plus tard.
Cette manière de faire est contraire aux lois de notre République.
Le plus grave c’est qu’à Kankan, le gouverneur veut que la loi s’applique. C’est-à-dire que les détenteurs de décrets soient épargnés par les casses même s’ils sont sur un domaine de l’Etat. Pourquoi ne pas agir de la même sorte à Mamou, Dalaba… ?

Monsieur le Président !
Vos hommes devraient agir avec discernement et étudier les dossiers au cas par cas. Même si les citoyens occupent des domaines de l’Etat, ce qui est condamnable, ils restent avant tout, vos citoyens. Ils reconnaissent en vous le Président de la République. Pourquoi agir avec violence contre eux ?
Que dire des cadres de l’urbanisme et de l’habitat qui ont vendu les domaines en question à ces citoyens ? Sont-ils au-dessus de la loi ? Bénéficient-ils d’une quelconque immunité ?
Ces cadres puisqu’il s’agit d’eux sont gagnants sur toute la ligne. Ils vendent les domaines, empochent de fortes sommes qu’ils placent en banques, construisent des châteaux dans des zones habitables et préparent ainsi l’avenir de leurs enfants. Ces mêmes cadres ou leurs apprentis reviennent plusieurs années après pour « déguerpir » ceux qu’ils avaient installés.

Le guinéen lambda, lui, n’a que ses yeux pour pleurer. Y a-t-il une justice dans une telle pratique ? Non Monsieur le Président !
Par ailleurs, Monsieur le Président, il y a des zones dans ce pays qui ont été régulièrement habitées par des autochtones et d’autres citoyens installés officiellement par les autorités compétentes. Des années après, l’Etat est venu déclarer les endroits en question « domaines publics ». Des citoyens qui sont dans ce cas de figure doivent-ils être considérés comme des « occupants illégaux » ?
La réponse est tout simplement non !

Monsieur le Président !
Evitez d’agir comme le Général Lansana Conté et le Professeur Alpha Condé. Sous leur règne, une partie du territoire a été transformée en ruine comme si nous avions été victimes de cyclones ou de tremblements de terre.
Des bulldozers ont été déployés pour tout détruire : maisons d’habitation, écoles, lieux de culte…des familles entières ont été jetées dans la rue. Des guinéens ont été transformés en « réfugiés » dans leur propre pays par leurs propres gouvernements.
Aujourd’hui, le CNRD a détruit à Dixinn et s’apprête à le faire à Mamou, Dalaba, Labé, Kindia…partout des villas sont dans l’œil de votre pouvoir. Dieu a voulu que vous soyez à la tête de la Guinée. Vous avez toutes les facilités, mais comprenez que dans ce pays « une maison est une vie ».
Fonctionnaires, ménagères, commerçants…sont obligés de faire des économies pour se trouver un toit pour leurs familles. Détruire de telles réalisations revient à s’attirer une énorme colère.

Monsieur le Président !
Evitez de grossir les rangs des frustrés dans ce pays. En plus, il est fondamental de savoir que le gouvernement, le CNRD et tous les régimes qui les ont précédés ne sont pas au-dessus de la loi.
Aspect juridique (dispositions légales garantissant et protégeant la propriété)

1-La constitution de 2010
Article 13 :Le droit de propriété est garanti. Nul ne peut être exproprié si ce n’est dans l’intérêt légalement constaté de tous et sous réserve d’une juste et préalable indemnité.

2-Code foncier et domanial
Article 54 : Il ne peut être porté atteinte au droit de propriété que lorsque l’intérêt général l’exige. Cette atteinte peut consister en une expropriation pour cause d’utilité publique, à une règlementation du droit de propriété dans un but d’urbanisme, d’aménagement rural, de recherche ou d’exploitation minière, de sauvegarde de l’environnement.
Article 55 : L’expropriation d’immeubles, en tout ou partie, ou de droits réels immobiliers pour cause d’utilité publique au sens de l’article 534 du code civil s’opère, à défaut d’accord amiable, par décision de justice et moyennant le paiement d’une juste et préalable indemnité.
Article 56 : L’expropriation ne peut être prononcée qu’autant que l’utilité publique a été déclarée dans les formes prescrites ci-après :
A défaut d’accord amiable, le transfert de propriété et la fixation du montant de l’indemnité qui le conditionne relèvent de la compétence du juge.
Article 57 : L’utilité publique est déclarée après enquête publique :
-Soit par décret,
-Soit expressément, dans l’acte déclaratif d’utilité publique qui autorise les travaux d’intérêt public projetés, tels que notamment : construction de routes, de chemins de fer, opération d’aménagement et d’urbanisme, aménagement de forces hydrauliques et de distribution d’énergie, travaux de protection de l’environnement.

3-Code civil
Article 534 : On ne peut contraindre personne à céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste indemnité.

Monsieur le Président !
Les agissements de la commission de récupération des domaines de l’Etat n’honorent pas votre régime. Ils ressemblent à des opérations de règlement de compte.
C’est le lieu et le moment Monsieur le Président d’arrêter les casses qui endeuillent ces nombreuses familles à travers la Guinée.
Je vous prie de recevoir les inquiétudes d’un de vos citoyens soucieux de l’avenir de notre chère Guinée.

Mamadou Samba Sow, journaliste
Téléphone : 664.68.73.94/622.02.05.65 sowbantignel@gmail.com

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