20 septembre 2024
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Tribune : le mur de la dette (Par Mohamed Lamine Camara)

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La Guinée serait-elle entrain de se développer en infrastructures et s’appauvrir en ressources par le biais de la dette ? En parlant de dette et de développement en infrastructures en Guinée, comme tout analyste, je concède au financement par la dette son rôle crucial pour le développement. Le rôle qui lui permet de contribuer à une croissance soutenue et inclusive, à condition d’une gestion rigoureuse des gouvernants qui sont appelés à prendre des décisions éclairées en matière d’emprunt, par le biais des assistances techniques et des conseils non liés, en vue de poursuivre un programme de réformes visant à réduire, selon une démarche multidimensionnelle, les facteurs de vulnérabilité liés à l’endettement.

Cependant, à cause des niveaux insoutenables fragilisant de la croissance, le paradoxe démontrant combien de fois aggravant de la pauvreté avec ce type de financement dans les pays en développement (comme notre chère Guinée), se laisse de commentaire. Partons de quelques expériences et réalités pour démontrer ce paradoxe. Ceci dit, en parlant de financement par la dette, le financement par le biais des avoirs internes (le budget national) et les dons sont exclus de toutes évidences. Ici, il s’agira tout au long de mon intervention, des financements extérieurs (pour la plus part, liés et avec des taux d’intérêts) et ceux obtenus par le biais des accords de partenariat bilatéral (entre pays, par exemple le partenariat Guineo-Chinoise, Française ou même Russe) basé sur le remboursement en contrepartie, des ressources naturelles).

D’abord pour commencer, le mur de la dette c’est quoi en français facile ? Partons alors d’une expérience simple. Lorsque nous considérons d’un côté de la pose d’un mur, une brique représentant un montant emprunté et de l’autre côté, deux briques pour le remboursement du montant prêté et son intérêt, cela nous amène à dire, que lorsqu’il y’a d’un côté deux briques, il y aura de l’autre quatre. C’est pour dire, que 20 briques d’un côté correspondent à 40 briques de l’autre. On retiendra tout au long de l’expérience, que la résistance de la superposition des briques de chaque côté n’est pas garantie par un jointement avec le ciment. Bien qu’on ne soit pas tous des maçons, mais nous sommes qu’à même à mesure de nous prononcer sur la résistance de ce mur et les conséquences de ce type d’élévation. D’abord il y a le déséquilibre entre les deux niveaux d’élévation, correspond à l’effet aggravant de la dépendance financière de l’emprunteur et de son niveau de pauvreté (on parle alors d’une “croissance appauvrissante” car plus son niveau d’endettement évolue, plus sa dépendance suit doublement à la même proportion). En suite la possibilité d’écroulement des 40 briques de l’autre côté causant avec lui à un niveau plus élevé, celui des 20 premières briques, correspond à l’effondrement du système à la défaveur de l’emprunteur dont la survie en dépend. C’est d’ailleurs ce qui explique aussi les niveaux insoutenables et fragiles de sa croissance. Faut-il s’en réjouir ou la redouter ? C’est vrai que les partenaires font souvent le semblant et le petit malin en parlant d’allègements, d’annulations ou de paiements pour compte, une partie de la dette due. En versant par exemple le lundi 5 avril 2021, la troisième tranche de l’allègement de la dette au titre du Fonds fiduciaire ARC, le FMI a fait croire aider 28 pays les plus pauvres et les plus vulnérables de la planète, pour le paiement de la dette qui arrivait à échéance entre le 14 avril et le 15 octobre 2021. À ce titre, la République de Guinée a bénéficié d’une annulation de son service de la dette entre le 14 avril et le 15 octobre 2021, d’un montant de près de 22 millions d’euros. La dette publique de la Guinée serait passée de 7,203 milliards de dollars au premier trimestre 2022, à 7,018 milliards le trimestre suivant. Je profite pour rappeler ici que seulement environ 130 milliards d’euros de plan Marshall en provenance des USA, ont permis le reconstruction de 16 pays européen et donner un élan à leurs économies entre 1947 et 1951. Cette démonstration de façon critique caractérise les deux modes de financement faisant l’objet de ma tribune.

De façon beaucoup plus détaillée, la première forme de financement qualifiée souvent d’aide liée, exige parfois des conditions pièges appelées par les partenaires financiers “assistances techniques et conseils”, ayant des coûts supportés par les fonds empruntés. À mon humble avis, cela est tout simplement une méthode de rapatriement d’une bonne partie de ces fonds, dans les pays d’origines à travers les consultants, ingénieurs soi-disant hautement qualifiés et même des simples ouvriers qui sont exigés et que d’ailleurs, le pays se trouve à mesure de produire. À charge pour lui de rembourser de toute façon. C’est ce qu’on appelle dans le jargon des économistes, l’exportation du capital humain par un partenaire bilatéral, dans un pays qui n’en a pas parfois besoin, mais qui est qu’à même obligé d’accepter à cause de sa situation (besoin perpétuel de financement). Par exemple, la réalisation de certains infrastructures par les entreprises chinoises en Guinée, connaissent beaucoup d’ouvriers chinois hautement mieux payés que ceux de même niveau de qualification de la Guinée. Pouvons-nous ici parler d’indépendance économique ? Comment se comporte-t-il un non indépendant financièrement ? Faut-il tourner dos aux dettes qui ne nous permettent pas de s’en passer d’elles ? Pire, lorsque la dette est appelée à être remboursé en nature (les ressources minières), cela exige normalement dans les localités ciblées, la réalisation de certaines infrastructures capables de les développer. Paradoxalement, l’exploitation de ces ressources naturelles n’a eu que très peu de retentissement sur le quotidien des guinéens ces dernières années, pendant qu’une petite poignée de proches du pouvoir en profitaient largement pour enrichir toute leur descendance. Et ces localités d’exploitation sont citées en Guinée, parmi les plus pauvres, dégradées et exposées aux multiples maladies occasionnées par la pollution. D’où la nécessité de revoir les contrats miniers au profit de la population et de renforcer les conditions de réhabilitation des sites, de protection de l’environnement, mais beaucoup plus de la santé et de l’hygiène publique dans ces localités. Un nouveau programme de renouvellement urbain devra être initié par le gouvernement actuel et ce programme, devra donc rationaliser et recentrer la politique de la ville guinéenne au bénéfice de ces localités, des territoires les plus en difficulté et les plus éloignés de la capitale. Aussi, en dépit de développer des systèmes d’exploitation à travers des énergies renouvelables, la sécurité énergétique doit demeurer plus que jamais au cœur des enjeux géopolitiques de notre existence, car l’avenir de la génération 50 ans après, se doit être préservé. Patriotisme l’oblige.

Par Mohamed Lamine Camara (MOLAC)

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