Sauf revirement spectaculaire de dernière minute, Mamadi Doum-bouillant ne fera pas exception. Comme tous ses prédécesseurs, il est devenu un demi-dieu. Il suffit de sillonner Cona-cris pour voir à quel point le culte de la personnalité, initié et entretenu par Sékou Tyran suit la Guinée comme son ombre. Conakry ressemble désormais à Pyongyang. Les effigies du nouveau Timonier enquiquinent carrefours et ronds-points. Plus que par le passé, les experts en culte de personnalité et autres flagorneries sont de nouveau montés sur scène. Au service d’un homme. Ou plutôt au service de leurs poches.
Comme en 2010, on commence peu à peu à trouver un portrait géant du Général non moins géant qui pose avec des opportunistes de tous poils. Et pourtant, l’histoire récente de ce pays est encore chargée de leçons. Parfois dramatiques. Elles devraient persuader l’homme du 5 Septembre 2021 à opérer une rupture radicale avec notre passé peu glorieux. Un passé où ces opportunistes, après s’être remplis les poches et les comptes, ont tourné le dos à celui-là par lequel ils juraient. Ces événements datent d’hier. Nul ne peut prétendre les avoir oubliés.
Mais c’est la fin qui justifie les moyens. Comme l’expliquait Bernard Feron, spécialiste du communisme, dans Le Monde diplomatique en février 1977 : « Pour faire admettre les accusations les plus monstrueuses portées contre des hommes qui ont pourtant bien mérité, pour rendre crédibles les aveux les plus invraisemblables, il faut imposer l’idée d’une autorité suprême que rien ni personne ne doit jamais contester ».
L’histoire devait dissuader le nouveau maître à emprunter le chemin de ses prédécesseurs. Le 5 septembre 2021, les Guinéens assistent, en quelques heures, à l’effondrement du RPG et de tout son système. Le parti, qui avait pignon sur rue depuis près de 30 ans dont 10 ans de gestion sans partage, devient ce qu’il était pendant sa traversée du désert. De nouveau, son nom devient prohibé dans les médias de service public. Que dis-je, les médias du chef du jour.
Ce qui est arrivé au RPG n’était pas une première. Après le 23 décembre 2008, le PUP, lui aussi, est contraint à un motus total. Le plus téméraire des présentateurs radio et télébidon parlait de l’ancien régime. Comme un retour de l’ascenseur. Lorsque, en 1984, le CMRN balaye le PDG-RDA, les initiales de ce parti et le nom de son président disparaissent des discours officiels. On parle du « régime défunt ». Ce n’est donc pas surprenant que les gens remuent actuellement mille fois la langue avant de prononcer le nom de l’opposant historique, devenu président de la République avant de redevenir un exilé.
Mais il n’y a pas que la Guinée qui connaît de tels bouleversements. L’histoire politique de l’Afrique, abonde de tels exemples. Blaise Compaoré, dont l’influence était sans frontières, prend la fuite le 31 octobre 2014. Il s’était engagé dans le périlleux et suicidaire projet de troisième mandat, quand rompu le contrat social signé avec son peuple.
Plus loin, le Maréchal Mobutu du Zaïre était un adepte du culte de la personnalité. La télébidon zaïroise montrait des images du Grand Léopard entre ciel et terre. Donnant aux citoyens l’impression que leur chef était un extraterrestre. Dans la plupart des cas, les auteurs des coups d’Etat par la kalach et ceux civils par le tripatouillage de la constitution quittent le pouvoir la queue entre les pattes. Le seul salut d’un putschiste reste l’organisation d’élections libres et crédibles. Le reste n’est que fuite en avant. Tôt ou tard, les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Bref, ceux qui, aujourd’hui comme hier, disent au chef que c’est lui ou le chaos ne lui rendent pas service. Il lui appartient dès lors de jeter un regard rétrospectif pour voir quel a été le sort de tous ceux qui ont succombé à la tentation. A croire que la promesse de retour à l’ordre constitutionnel n’engage désormais que ceux qui y croient. Ce qui constituerait de facto une rupture du contrat social signé le 5 septembre 2021.
Mamadi Doum-bouillant doit avoir de l’empathie pour El Dadis et Alpha Grimpeur, – avec la pression des thuriféraires qui tiennent à garder avantages et privilèges à tout prix- ne doit toutefois pas emprunter ce que Kéléfa Sall appelait « les chemins interdits ». Nul besoin d’être dans les secrets du Ciel pour savoir que l’homme fait face actuellement à un dilemme. Comme disait Daouda Koné, son cœur balance…entre le respect de la parole de soldat et le forcing. Dans un tel embrouillamini, il faut être un homme au mental d’acier pour faire le bon choix, celui du salut.
Habib Yembering Diallo