22 novembre 2024
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Justice : quel bilan de la Politique Pénale du Gouvernement sous le Ministre Alphonse Charles Wright ?

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La question de bon nombre d’observateurs de la vie sociopolitique de notre pays sur l’échelle nationale et internationale après la dissolution du gouvernement et la mise en place de la nouvelle équipe est de savoir si le dynamisme de la moralisation de la vie publique enclenché par l’ancien Garde des Sceaux, Ministre d’Etat, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Monsieur Alphonse Charles Wright, va se poursuivre? D’autres interrogations subsistent autour de la nouvelle orientation de la politique pénale du nouveau gouvernement.

-S’achemine-t-on vers le blocage de l’application rigoureuse des grands axes menés jusque-là pour lutter contre la délinquance financière, les crimes de sang et la redevabilité dans la gestion de la chose publique ?

-Quel impact pourrait avoir une rupture de la poursuite de cette vision sur les valeurs de refondation et de rectification institutionnelle prônées par les autorités de la transition au plus haut niveau, Monsieur le Président de la République, Général de Corps d’Armée, Mamadi Doumbouya ?

-Le Président de la République acceptera-t-il le retour des anciennes pratiques contre lesquelles s’était opposé son ancien Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme ?

La prise du pouvoir par le Conseil National pour le Rassemblement et le Développement (CNRD) sous le leadership à l’époque de Colonel Mamadi Doumbouya a donné l’espoir d’une justice qui s’affranchira des griffes de la corruption, de la subordination vis-à-vis de l’exécutif, de l’affairisme, pour ne répondre qu’aux seules aspirations légitimes du peuple de Guinée.

Cette volonté a été accompagnée par les actes notamment le rajeunissement de la magistrature, à travers des nombreuses nominations des jeunes magistrats à des postes hautement stratégiques au sein de l’institution judiciaire. C’est l’exemple du cas du procureur de la CRIEF, Monsieur Aly TOURE, Monsieur Abdoulaye CONTE à la tête de la Cour d’Appel de Conakry. A cette liste s’ajoute la nomination à l’époque du plus jeune Procureur Général de l’histoire de la justice guinéenne, Monsieur Alphonse Charles WRIGHT qui sera promu par la suite à la tête du Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme comme le plus jeune ministre à cette fonction dans l’espace africain. Ce message hautement symbolique démontre la volonté des nouvelles autorités à insuffler du sang neuf dans « les veines judiciaires ». L’autre illustration de cette vision de rajeunissement de l’appareil judiciaire reste la nomination de monsieur Ibrahima Sory II TOUNKARA comme Président du Tribunal de Première Instance de Dixinn pour conduire le procès historique des évènements douloureux du 28 septembre 2009.

Après ce point d’attention, il fallait s’attaquer au système qui continue très malheureusement à tenter de résister aux réformes. En rappel, avant le CNRD, tout le peuple de Guinée a été témoin des gabegies liées à la mauvaise gouvernance, le détournement des deniers publics, la corruption dans tous les secteurs de la vie publique sans une véritable réaction de la justice pour réprimer des infractions économiques et financières. Les nouvelles autorités ont mis en place une juridiction spéciale qui s’occupe désormais de lutter contre ces maux. Mais avec quelle politique pénale ?

En outre, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Monsieur Alphonse Charles Wright, a décidé de doter notre pays d’une politique pénale qui était considéré comme une nouveauté pour les guinéens à travers plusieurs injonctions de poursuites judiciaires. Incompris par ses propres collègues du gouvernement qui avaient peur de se voir poursuivre à travers des injonctions dont les citoyens commençaient à ressentir les effets dissuasifs.

Depuis 1958, notre pays n’avait pas été doté d’une politique pénale encore moins d’une politique pénitentiaire.

En aout 2022, il décide de passer à la vitesse supérieure pour doter en fin notre pays d’une politique pénale fondée sur l’idéal de justice exprimé à travers la devise « Travail-Justice-Solidarité » et à travers le cadre juridique et institutionnel notamment le respect des lois et règlements. Cette politique pénale mal comprise visait à concourir à la promotion d’une bonne gouvernance au service du développement durable et surtout à l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD16 : Paix, Justice et Institutions efficaces). La vision de cette politique pénale était aussi de garantir une réponse judiciaire diligente, efficace et respectueuse des droits de l’homme, de la primauté du droit et de l’égalité tous devant la loi. C’est pourquoi tout le monde pouvait se voir poursuivre en cas de dénonciation avec preuves factuelles.

Cette politique pénale avait des valeurs que des délinquants financiers tentaient de saboter aux yeux du peuple à savoir : impartialité, intégrité, redevabilité et surtout la rigueur. C’est pourquoi, le Garde des Sceaux était considéré comme très rigoureux dans la mise en œuvre de ladite politique. Cette démarche ne pouvait créer que des ennemis qui voulaient et qui veulent à tout prix maintenir l’ancien système à savoir, la corruption dans le silence, histoire d’être fidèle à leur slogan selon lequel : « la corruption n’aime pas le bruit ».

Cette politique pénale avait des principes directeurs à savoir : action judiciaire à temps utile, attention particulière aux victimes, respect des droits à la défense, efficacité de la direction et du contrôle de la police judiciaire, individualisation de la réponse pénale, recours à la détention seulement, lorsque tout autre mesure serait inadéquate, spécialisation de la justice des mineurs et efficacité de l’exécution de la sanction pénale. C’est la raison pour laquelle, il faisait des injonctions à temps utile dans le respect de la présomption d’innocence et veillait sur les affaires gérées par les Officiers de Police Judiciaires tant de la gendarmerie que de la police à travers des procureurs généraux et des procureurs d’instances. Cette démarche a permis de mettre fin à des convocations payantes, le traitement des questions de dette dans les services de police et de la gendarmerie, le respect des procureurs par des officiers de police judiciaire, le respect des délais de garde à vue etc.

Cette politique pénale reposait sur des axes au nombre de quatre (4) pour permettre de rendre la justice efficace. Il s’agit de :

-Lutter contre la criminalité, la délinquance et l’impunité : il fallait engager des poursuites contre les atteintes à la personne humaine, disparations forcées, atteintes volontaires à l’intégrité, les violences sexuelles. C’est pourquoi il luttait contre les atteintes commises au dépend des personnes vulnérables mêmes lorsqu’elles sont exercées à l’encontre des représentant de l’autorité publique, notamment les forces de l’ordre. Il luttait contre les infractions liées à des formes de criminalité notamment la cybercriminalité et les atteintes à la vie privée des personnes à travers les réseaux sociaux. Cette position lui a couté l’atteinte de sa vie privée et ses fonctions pour l’empêcher de continuer la lutte contre l’impunité.

La lutte contre la corruption, la délinquance économique et financière en particulier, la fraude aux finances publiques et autres détournements des deniers publics qui érodent la confiance des citoyens envers les institutions et qui occasionnent des préjudices importants aux capacités d’action budgétaire de l’Etat. Il a ordonné des poursuites contre les DAFF, les directeurs des EPA et les maires des communes rurale et urbaine. Ce qui a eu pour conséquence l’accélération de la politique de dénigrement à son en contre et sa chute à la tête du département.

Il n’hésitait pas de poursuivre des atteintes aux libertés commises par les personnes dépositaires de l’autorité publique. Ce qui explique les multiples discordes entre lui et l’ancien Premier ministre.

-Restaurer la confiance des justiciables à la justice : il a mené des efforts de lutte contre les atteintes à l’action de la justice visant les entraves à l’exercice de la justice, à son bon fonctionnement et surtout à son autorité. Ce qui justifie l’incompréhension entre lui et ses anciens collaborateurs notamment l’ancien Premier ministre qui voulait à tout prix stopper les poursuites judiciaires alors que le peuple ne comprenait pas cette réticence visant à protéger les personnes en maille avec la justice.

Il informait les citoyens sur l’institution judiciaire, son fonctionnement, leurs droits et leurs devoirs civiques vis-à-vis des magistrats, les Officiers de Police Judiciaire au visa de ses nombreuses tournées sur toute l’étendue du territoire nationale. Il a été attaqué sur cette démarche, car les partisans de l’ancien système savaient que c’est l’ignorance des citoyens qui favorise leur marché florissant de corruption et d’abus.

Il s’est attaqué aux fraudes dans les examens et concours par la poursuite des enseignants et candidats fraudeurs. Il s’est attaqué dans les formes de fraudes constituées par le faux et l’usage de faux, de fausses monnaies, la falsification des titres ou autres valeurs fudiciaires et dans la répression du faux en écriture publique ou authentique au niveau de la fonction publique.

Dans le secteur de la justice qui souffrait de déficit de contrôle juridictionnel et administratif exercé par les organes notamment l’Inspection Générale des Services Judicaires et Pénitentiaires, les Parquets Généraux, Chambres de Contrôle de l’Instruction, Direction Nationale de l’Administration Pénitentiaire, il a accentué la lutte contre la corruption dans l’appareil judiciaire par la suspension de plusieurs magistrats. Ce qui lui a valu l’incompréhension entre lui et certains de ses collègues magistrats.

-Renforcer l’accès au droit et à la justice : il a organisé le procès des évènements du 28 septembre 2009 après 13 années d’attentes des victimes et leurs proches. Il a fait adopter la loi ordinaire sur l’aide juridictionnelle en mettant en place le fonds et les bureaux au niveau des juridictions sur toute l’étendue du territoire nationale. Il a également doté notre pays de la loi sur la protection des victimes, des témoins et des personnes en situation de risque. Cela a permis d’assurer la protection des personnes qui sont désormais rassurées qu’elles ne subiront pas des représailles pendant et après le procès des évènements de 28 septembre 2009. Les différents canaux de communication (réseaux sociaux, télévisions, médias en ligne) ont permis de faire connaitre en toute transparence les actions de la justice renforçant ainsi la confiance des citoyens à l’institution judiciaire.

Il a fait la promotion des principes d’accès à la justice par sa participation à des débats publics sur la justice. Il a œuvré dans le recouvrement des avoirs saisis et confisqués par la mise en place et l’opérationnalisation de l’Agence de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC).

-Développer la coopération internationale en matière pénale : il a consolidé la coopération au niveau national, régional et international entre les structures intervenant dans la chaine pénale notamment en matière de Commission Rogatoire Internationale, coopération entre la justice et les autres structures nationales de contrôle et de promotion des droits de l’homme. Il a obtenu un mémorandum d’entente entre le Bureau du Procureur de la Cour Pénale Internationale et la République de Guinée dans le cadre de la complémentarité dans la lutte contre l’impunité.

Ce dynamisme sera-t-il poursuivi ?

L’opinion publique suit avec attention et inquiétude l’évolution de la situation.

Par Mohamed Lamine Sylla, Journaliste

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