20 septembre 2024
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Deux ans du CNRD : quel bilan peut-on retenir des 24 premiers mois de la junte ? (Par Mohamed Lamine Camara, MOLAC)

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Du 05 septembre 2021, date à laquelle le CNRD a pris le contrôle du pays, à aujourd’hui deux (2) années se sont écoulées et des événements se sont succédés. Quel bilan peut-on dresser du CNRD au pouvoir ? Aspect par aspect, je tente un décryptage légitime de ce qui est aujourd’hui des forces et des faiblesses du CNRD dans cette tribune.
I) DES FORCES DU CNRD
Sur les plans institutionnels et administratifs
– On retiendra que la première bonne action du CNRD a été de lancer un processus de consolidation auprès des institutions nationales ainsi que les différentes organisations du pays. Après une restructuration profonde de ce qui trame tout l’appareil administratif a précédé cette action salvatrice avec succès. Les effectifs des différents ministères ont été rajeunis pour donner la chance à la jeunesse de prouver son savoir-faire ;
– Les capacités et la liberté de l’appareil judiciaire ont été renforcées. Il a été même créé la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) ;
– Le Conseil national de la transition a été constitué, instruit et meublé par des représentants des forces vives de la nation pour démontrer une volonté manifeste des autorités à organiser dans le pays, des élections libres et transparentes. Des biens publics ont même été récupérés ;
– Une charte de la transition a été élaborée pour définir les règles de la transition ;
Le CNRD en dépit des objectifs courants de gouvernance s’est fixé 43 objectifs présidentiels pour un délai bien défini dans le court terme. Cela a permis de se faire une idée sur la durée de la transition ;
– Dix piliers autour desquels s’articuleront le processus de transition ont été rendus publics et une enveloppe budgétaire pour financer ces piliers a été définie ;
Sur le plan économique
– Des grands chantiers de construction et reconstruction des voiries, des ponts et bâtiments administratifs ont été engagés ;
-Le chantier de la moralisation de la gestion de la chose publique a été engagé ;
– Le taux de change s’est apprécié pendant une durée importante. Donc, pendant ce temps, le GNF s’est apprécié par rapport à la devise ;
-Le niveau de la collecte des recettes (minières, douanières et fiscales) a été revu à la hausse à travers des révisions des contrats miniers, la modification des taux d’imposition fiscale ;
– Des opportunités de financement extérieur ont été créées ;
Des entreprises ayant réalisé des travaux de l’Etat, jadis impayés ont bénéficié des échéanciers de payement ;
La production nationale visant à diminuer les importations a été stimulée à travers des innovations (la refondation verte, la promotion du slogan “portons et consommons guinéens, etc.) ;
– Des dispositions commerciales visant à améliorer les exportations au profit de la Guinée ont été prises à certaines périodes dites de soudure ;
Le revenu national par habitant s’est amélioré pour élever la Guinée au rang des pays à revenus intermédiaires.
Sur le plan politique
Des assises nationales ont été organisées, l’octroi des agréments politiques a été mieux organisé, la stabilité politique a été recherchée, des propos éthiques et incendiaires ont été sanctionnés.
Sur le plan social
Des chantiers de réconciliation nationale ont été tentés.
Sur le plan diplomatique.
Des restructurations administratives profondes ont été faites. Des engagements ont été pris et d’importantes conventions ont été signées. Des Guinéens menacés ont été rapatriés à domicile.
II- DES FAIBLESSES DU CNRD
S’il faut citer ces quelques réussites de la gouvernance du CNRD, force est de reconnaître que plusieurs manquements en ont également découlé. Sans remettre totalement en cause, c’est le CNRD, a manqué de stratégies, ouvertes et de fermeté dans sa mission et par endroits. Suivant la chronologie des aspects évoqués.
Sur les plans institutionnels et administratifs
– Le CNRD n’a pas su exploiter les différents mémorandums que lui-même a demandé aux différents acteurs de la vie nationale de lui adresser. Son schéma de gestion est loin de prendre en compte les aspirations profondes de ceux-ci qui pourtant, sont les véritables problèmes qui assaillent le développement du pays depuis des années.
– La restructuration administrative qui au début a été couronnée de succès ne l’a pas été pour longtemps. Le CNRD a manqué de stratégie et de fermeté en restant sans revoir cette restructuration qui a mis certains hommes qui n’en valent vraiment pas la peine à des postes stratégiques de certains ministères et institutions.
Faut-il rappeler que des évaluations et contrôles ont révélé des cadres d’une incompétence avérée et d’autres même avec des faux diplômes ? Faut-il rappeler également qu’aucun État ne peut rêver de l’efficacité administrative en favorisant la médiocrité et la malhonnêteté intellectuelle dans ses rangs ? Est ce nécessaire de rappeler qu’une transition a trois types d’hommes (ceux qui commencent dans l’euphorie des nominations, ceux qui la conduisent après des restrictions à nouveau et ceux qui la finalisent) ?
– Une acceptable transition ne doit pas durer de plus de trois ans. Si l’on se fie à cette règle universelle, aujourd’hui, nous pouvons affirmer sans langue de bois, que celle conduit par le CNRD ira au-delà. Les élections sont organisées sur la base des règles et lois constitutionnelles. Le CNT après plus de deux ans d’exercice est incapable pour le moment de donner aux Guinéens une nouvelle constitution. Cela devrait amener les autorités guinéennes ainsi que la population à revoir les missions et les capacités de cette institution.
Sur le plan économique
En dépit des avancées et des atouts ci-dessus cités, force est de reconnaître que les indicateurs socio-économiques de la Guinée demeurent encore faibles. Avec une population de 14,7 M d’habitants et un PIB de 20,5 Mds USD en 2022 selon le FMI, la Guinée se situe au bas du classement IDH, occupant le 182e rang sur 191 pays en 2021. Un peu moins de la moitié des Guinéens (44 %) vit en dessous du seuil national de pauvreté qui est estimé à 16 423 GNF/personne/jour (1,6 EUR) en 2019. Par ailleurs, l’économie reste encore en grande partie informelle, avec une part estimée à 41,5 % du PIB et 96 % des emplois en 2019. En outre, l’espérance de vie à la naissance se situe à 58,9 ans en 2021.
Le secteur privé qui devrait être un grand employeur et un vrai catalyseur de développement se trouve actuellement étouffé par des facteurs endogènes et exogènes. Le chômage prend de l’envol, la monnaie perd du jour au lendemain à cause du niveau de l’inflation qui ronge carrément le panier de la ménagère.
Certaines entreprises ont fermé et d’autres (beaucoup plus nombreux) tendent vers la faillite. L’assiette fiscale commence à se rétrécir et le volume des investissements futurs et de la production nationale avec elle. La tendance économique plus loin sera la récession.
Sur le plan politique
On sent une division totale de la classe politique à la faveur du CNRD, des politiciens sont incarcérés sans preuves valables pour attirer les soupçons sur un régime dictatorial, le débat politique et les droits de manifester sont pris en otage, la jeunesse politique est divisée, la liberté d’expression et d’opinion n’existe plus. Bref, aucun pas n’est fait pour aller vers un retour à l’ordre constitutionnel.
Pouvons-nous continuer avec cette allure ? Si oui, pour combien de temps encore ?
Sur le plan social
L’ethnocentrisme, le régionalisme, le clanisme, la haine et la jalousie entre les populations sont devenus plus récurrents, le banditisme a pris de l’envol, des annonces d’assassinats, de violes et de braquages sont devenus de plus en plus fréquentes.
Sur le plan diplomatique et militaire
Si la mission diplomatique d’un pays ne peut être que l’observation, les négociations, les représentations et surtout la vente d’image du pays, alors, le cas guinéen n’a prouvé son effort que dans la première mission et un peu dans la troisième. Des deux autres missions, elle se trouve amputée sérieusement.
Militairement si l’on peut saluer les différentes réformes et innovations engagées, alors est nécessaire de rappeler que si nous voulons en Guinée une vraie armée républicaine, même s’il se trouve aujourd’hui que l’insécurité politique actuelle dans le pays est largement due aux manipulations que font usages les hommes politiques dans leurs discours, faits et gestes, il sera nécessaire que la restructuration de notre l’armée puisse intégrer toutes les composantes ethniques du pays et que, leur fidélité ne soit pas vouée à un individu, mais à la nation tout entière.
Vive la Guinée et les Guinéens
Pour que vive une transition à durée modeste, inclusive, libre et transparente

Par Mohamed Lamine Camara, MOLAC

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