19 septembre 2024
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Journée mondiale sans Tabac : enquête sur l’ampleur du tabagisme en Guinée et le problème de santé publique qu’il génère

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Depuis 1987, le 31 mai de chaque année est consacré à la ”journée mondiale sans tabac ”. Cette initiative de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) vise à sensibiliser l’opinion publique mondiale sur les dangers liés à la consommation du Tabac. Le thème retenu cette année est « Cultivons les aliments, pas du tabac ». L’objectif consiste à privilégier une agriculture tournée vers les aliments bénéfiques à notre santé et non le Tabac. En Guinée aucune célébration officielle n’est prévue. Mais pour parler du phénomène à l’occasion de cette journée la rédaction de Confidence224.com vous propose ce reportage grand format réalisé dans la ville de Kissidougou où la consommation, comme dans d’autres localités du pays, est à son pic.

La préfecture de Kissidougou est frappée de plein fouet par le fléau du tabagisme. De la Commune Urbaine aux zones les plus reculées, partout l’on rencontre des consommateurs du tabac au niveau de toutes les couches sociales : personnes âgées, les femmes, les jeunes et d’ailleurs mêmes les mineurs n’en sont pas épargnés. Il vous suffit de faire un tour dans les cafétérias ou autres lieux publics pour mesurer l’évidence de ce constat malgré les sensibilisations dans les médias ou les mesures restrictives imposées aux nombreuses entreprises qui évoluent dans l’industrie du tabac notamment, l’augmentation des taxes et l’interdiction de la publicité, de la promotion et du parrainage des marques de cigarettes.

Si les personnes âgées ou certains jeunes n’hésitent pas à satisfaire leurs besoins de fumer en public, les mineurs par contre s’éloignent de regard des parents pour s’échanger des mèches de cigarettes. À Kissidougou, c’est fréquent de surprendre des jeunes élèves ou apprentis mécaniciens en train de se prêter à ce dangereux exercice le long du fleuve Niandan, dans la cour du stade Préfectoral Jean Djibril Léno, souvent derrière les clôtures de certaines concessions scolaires ou encore dans des bâtiments inhabités ou inachevés.

Par ailleurs, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le tabac est le premier facteur de risque de cancer. Il est responsable d’un cancer sur cinq et d’un décès sur trois par cancer. Il est aussi à l’origine de nombreuses autres maladies pulmonaires et cardiovasculaires. Pour mieux comprendre les dangers liés à la consommation du tabac sur la santé, nous avons interrogé Louncény Konaté, Cardiologue à l’Hôpital Préfectoral de Kissidougou : « le tabac est un facteur de risque cardiovasculaire donc le fumeur est beaucoup plus exposé à l’hypertension ou le diabète. Celui qui fume n’est pas aussi à l’abri des maladies pulmonaires telles que la bronchopneumonie qui, si elle n’est pas traitée, peut se développer rapidement au niveau du cœur et du coup le malade va commencer la glycémie et la toux permanente avec crachats. C’est pour vous dire que le tabac est très dangereux en ce sens qu’il attaque le cœur qui est un organe central. Donc une fois que le cœur est attaqué par une maladie ce n’est pas facile de traiter c’est pourquoi nous les spécialistes nous disons que le cœur ne se traite pas mais on l’entretien. Je lance un appel à la population de Kissidougou surtout la jeunesse de s’éloigner de la consommation du tabac qui affaiblit leur développement physique ou mental », a-t-il lancé.

Le tabagisme ne concerne pas que les consommateurs du tabac ; mais il affecte aussi les non fumeurs à travers le phénomène du tabagisme passif autrement appelé la fumée secondaire. Beaucoup de non fumeurs souffrent des effets du tabac. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Tabagisme est la deuxième cause de décès dans le monde avec plus de 6millions de morts par an, dont plus de 600mille sont des non fumeurs. Rencontré par notre rédaction, Sââ Ernest Tonguino, professeur d’économie au lycée Soundiata Keita de Kissidougou est un nom fumeur. Voici les raisons pour lesquelles il s’est toujours méfié du Tabac : « depuis mon enfance je n’ai pas touché à la cigarette mais j’ai eu des amis qui sont fumeurs et d’ailleurs c’est ce qui a fait que je me suis séparé avec beaucoup de ces amis parce que dès que je parviens à inhaler la fumée du tabac je commence à tousser ou bien j’ai la nausée. En plus quand un fumeur parle à côté de moi sa bouche répand une mauvaise haleine. Franchement parlant ici à Kissidougou il y a des fumeurs qui ne se soucient pas des non fumeurs. Ils sont prêts à allumer la mèche de cigarette n’importe où même quand c’est écrit quelques part ”No Smoking” ils ne respectent pas les consignes. C’est pourquoi j’interpelle la jeunesse à éviter le tabac car ce n’est pas de la nourriture comme le riz ou le pain ce qui veut dire qu’on peut s’en passer. La cigarette joue sur l’économie du fumeur et elle le détruit physiquement et biologiquement », martèle Sââ Ernest Tonguino.

Curieusement mêmes les consommateurs du tabac disent être conscients de la dangerosité de leurs actes. Mohamed Diarré est fumeur, il nous relate comment il s’est retrouvé progressivement dans les liens de la dépendance à la cigarette : « depuis quand je fréquentais l’école primaire dans mon village natal j’ai commencé à fumer par le canal d’un de mes qui venait de la Côte d’Ivoire. Comme il avait de l’argent c’est lui qui achetait pour nous mais quand il est reparti j’ai voulu abandonner mais remarqué que c’était impossible pour moi de m’en passer. Donc jusqu’à présent je continue à fumer. Je suis marié et chaque fois ma femme se plaint de ça. Je suis obligé de me cacher de mes enfants car je ne voudrais pas qu’ils m’imitent un jour. Je reconnais que ce n’est pas bon car je ressens les effets. Je tousse la nuit, mon sommeil est perturbé et même si je fais un moindre effort physique je suis fatigué, j’ai la paresse. Actuellement je suis dépendant car quand je suis trop content je fume et si je suis énervé je fume encore. Donc la cigarette est devenue pour moi comme un mal nécessaire. Je suis sûr qu’un jour viendra je vais quitter complètement la cigarette à cause de ma santé », a-t-il promis.

Néanmoins, beaucoup de personnes sont parvenues à quitter définitivement le monde des fumées grâce à diverses techniques. C’est le cas de madame Alice Doré vendeuse de poisson au marché “Lôfèkourani” de Kissidougou. Elle nous raconte son expérience en ces termes : « moi je n’ai pas eu la chance de fréquenter l’école, je suis dans le commerce depuis l’enfance à travers ma mère qui était également vendeuse de poisson à Conakry. Tu sais avec l’odeur des poissons beaucoup de femmes vendeuses se retrouvent accidentellement avec la cigarette ; donc c’est comme ça que j’avais commencé à fumer depuis 1997. Mais heureusement pour moi j’ai réussi à abandonner en 2020 grâce à une femme touriste française qui venait acheter les poissons avec moi. Quand elle a constaté que je fumais elle m’a déconseillé mais je lui avais dit que moi-même je fumais malgré moi donc elle m’a montré assez de techniques pour m’aider à abandonner. Elle envoyait même des bonbons que je devais consommer une fois que j’avais envie de fumer et vraiment cela a marché. Je conseille aux autres fumeurs de faire comme moi c’est-à-dire de s’efforcer à arrêter de fumer car la cigarette tue à petit feu », a-t-elle averti.

Etant donné l’ampleur de ce phénomène dévastateur, la société civile, les leaders d’opinions et les autorités publiques doivent multiplier les sensibilisations et renforcer la vigilance autour de l’application des lois y afférentes. Ça y va de la santé de nos populations.

Ousmane Sylla, pour Confidence224.com

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