20 septembre 2024
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Pacte de Paix de Kissidougou ou le rôle déterminant des trois pierres ancestrales dans la prévention et la résolution pacifique des différends (Enquête exclusive)

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La Préfecture de Kissidougou présente d’énormes singularités socioculturelles donnant souvent à la ville de Kissi Kaba Keita son originalité. Parmi ces singularités figure le climat de paix et de quiétude qui règne dans cette partie de la région forestière souvent en proie à de nombreux soubresauts. D’aucuns se demandent quant aux véritables recettes qui font de Kissidougou un havre de paix dans un environnement, encore une fois, tumultueux. La réponse à cette curiosité réside dans l’histoire de ce qu’il convient d’appeler le ‘’Pacte de paix de Kissidougou’’ autrement, dans l’histoire dites  des ‘’Trois pierres de Mara’’. Pour en savoir davantage sur ce pacte social entre les différents groupes communautaires que compte Kissidougou, la rédaction de Confidence224.com s’est rendue sur place.

Située à cheval entre la Haute Guinée et la Guinée forestière, la Préfecture de Kissidougou se positionne comme la porte d’entrée de la région forestière. Ce positionnement géographique explique en partie le profond brassage socioculturel qui caractérise la préfecture. Avec une superficie de 6618 Km2 et une population estimée à 205836 habitants (RGPH96), la végétation de Kissidougou revêt deux visages : le nord qui s’ouvre sur Faranah et Kouroussa est caractérisé par la savane arborée tandis que le sud qui s’étend vers Guéckédou est dominé par la forêt dense.

En terme de peuplement, la tradition orale nous enseigne que les Tomas furent les premiers occupants mais que les Kissis, revendiquant la paternité de la localité et aidés par leurs nouveaux alliés à savoir les Kourankos et les marabouts Sarakolés, parvinrent à les repousser.

Par ailleurs, le visiteur à Kissidougou est frappé non seulement par la quiétude sociale dans cette mosaïque de communauté où se côtoient Kissis,  Kourankos, Sarakolés, Lélés et Malinkés, mais aussi par la cohabitation pacifique des croyances religieuses (musulmanes, chrétiennes et animistes). Cette cohabitation pacifique a su résister au temps et aux tentations politico-ethniques que connait le pays ces derniers moments.

En parcourant cette vaste et riche histoire de la cité de Kissi Kaba Keita, il y a un pan important qui retient notre attention : c’est celui concernant les ‘’trois pierres’’ du foyer traditionnel du village historique de Mara. Connu pour être le premier village de Kissidougou à accueillir l’islam, Mara est surtout populaire par l’existence des trois pierres du foyer traditionnel, symbole des alliances scellées entre les trois tribus à savoir : Faramaya-Fèrènsola-Ntia.

Etablie depuis des lustres, cette alliance continue de nos jours à rendre service à la nouvelle génération en terme de résolution de conflits et du maintient de la quiétude sociale. Homme de culture et gardien de l’histoire, Senikoun Diakité, Directeur du Musée Préfectoral de Kissidougou, s’est exprimé sur l’impact social des trois pierres de Mara en ces termes : « c’était une alliance de fraternité, d’amitié et de non-agression. Depuis son avènement, les communautés concernées se regardent comme des alliés condamnés à vivre ensemble dans la convivialité et la concorde », a-t-il déclaré. A monsieur Yomba Sanoh, Maire de la Commune Urbaine de Kissidougou, de poursuivre : « les trois pierres de Mara autrement appelées ‘’pacte de paix de Kissidougou’’ est un site très important pour l’humanité toute entière mais particulièrement pour notre belle préfecture. Ces trois pierres représentent les trois grandes communautés de la localité à savoir : Faramaya qui représente l’ensemble des Kissis du nord et du sud, Fèrènsola constitué de Kourankos, Lélés et Sankarans et Ntia qui désignait à l’origine les missionnaires Sarakolés venus pour l’islamisation de la contrée et qui s’élargie aujourd’hui à toutes les autres communautés venues récemment s’installer à Kissidougou. Alors pour moi, tous les guinéens se retrouvent et se reconnaissent dans ces trois ensembles cités plus haut. Donc pour nous les fils de Kissidougou, ce site est exemplaire car il cultive la paix et d’ailleurs ça mérite d’être copié et reproduit partout en Guinée pour maintenir la paix et la quiétude sociale », a rappelé Yomba Sanoh.

Sur l’organisation et surtout la répartition des prérogatives réservées à chaque compartiment de la société du coté de Kissidougou, monsieur Yomba Sanoh a confié ce qui suit : « le préau de Kissidougou qui est le symbole de l’autorité morale, représente le bureau des sages. Mais quand ces sages se retrouvent, le Sotikèmo (Patriarche) vient de Faramaya, celui qui l’installe et l’habille vient de Fèrènsola et celui qui fait la bénédiction vient de Ntia. Cet exemple prouve à suffisance que c’est inclusif. Donc ce pacte de paix représenté symboliquement par les trois communautés et matérialisé par la pause des trois pierres est répertorié au niveau de notre préau de sorte qu’en cas de problème, ces sages se retrouvent et discutent pour trouver des solutions que nous sommes obligés tous de suivre. C’est pourquoi aucun de nos problèmes ne dépasse les frontières de Kissidougou. En guise d’exemples, quand la population s’était opposée à l’implantation du centre de prise en charge des malades d’Ebola, il a fallu que les sages des trois communautés se rendent même sur le site d’implantation pour sensibiliser les jeunes qui avaient fini par abdiquer. Un autre exemple remonte au moment des dernières élections présidentielles lorsqu’un des candidats s’était autoproclamé vainqueur. Cela a conduit à des scènes de pillage partout en ville et finalement il a fallu l’intervention du bureau des sages pour ramener le calme dans la cité » a-t-il dit.

Pour son mot de la fin, le Maire a continué en ces termes : « le message que je lance à tous les fils et à toutes les filles de Kissidougou qu’ils soient résidents ou à l’extérieur c’est d’être des modèles de la paix et de la quiétude partout où ils se retrouvent parce que nous avons quelque chose qui ne se trouve nulle part, c’est le pacte de paix de Mara ; qu’ils continuent à s’investir dans le maintien de la paix car c’est dans notre sang », a dit monsieur Sanoh.

Il faut retenir que le village historique de Mara intéresse aussi les touristes à cause non seulement de ses trois pierres mais par la présence d’autres sites non moins importants tels que la première mosquée du territoire de Kissidougou et le Mausolée de Karamoko Souleymane Savané considéré comme une figure importante de l’implantation de l’islam dans le zone.

Ousmane Sylla, pour Confidence224.com

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