Dans une décision récemment rendue publique, le Barreau de Guinée, à travers sa bâtonnière déléguée, a émis une interdiction formelle contre Me Mamadou Ismaila Konaté de prester devant les juridictions guinéennes. Cette décision, selon le Barreau, s’explique par un certain nombre de manquements dont s’est rendu coupable le principal concerné. Il s’agit notamment de son manque de domiciliation en Guinée, de la non réciprocité entre son pays le Mali et la Guinée et surtout, toujours selon le barreau, des propos discourtois qu’il a tenu à l’endroit du Procureur Spécial près la CRIEF. A ces accusations et surtout la sanction dont il fait l’objet, suivis de « lynchage médiatique » à connotation nationaliste dont il fait l’objet, la réponse de Me Konaté ne s’est pas fait attendre. Il l’a exprimé dans une lettre au verbe aussi philippique que véridique, adressé aux avocats de Guinée ; et dont copie a été transmise à la rédaction de Confidence224.com : « j’ai ressenti la démarche à mon égard comme une excommunication, un bannissement pur et simple que rien ne justifie au regard de mes profonds liens et attaches avec la Guinée, tant sur le plan familial que professionnel », a-t-il peut-on lire dans les écris du célébrissime avocat.
Parlant des faits qui lui sont reprochés, l’avocat aux Barreaux du Mali et de Paris s’est exprimé, élément après élément, et ce, dans un style d’écriture à l’allure mercuriale. « Je n’ai pas l’impression, hormis l’excès du verbe, voire du ton probablement, qu’en m’élevant contre des propos inappropriés, tenus hors enceinte judiciaire, égrenant des affirmations tout aussi bien gratuites que infondées, contre un client indélicatement sous mandat de dépôt depuis et, dans des conditions qui tiennent à la seule volonté d’un homme, fût il représentant momentané de l’ordre, de la loi et de l’autorité, que j’ai transgressé une quelconque règle. Le principe d’égalité des armes auquel nous sommes particulièrement attachés dans le prétoire me semble devoir s’appliquer hors enceinte judiciaire. C’est pour cela que j’estime que le reproche qui m’ait fait est aussi infondé que l’excès qui connote cette décision prise à mon encontre, avec des motivations tout aussi illusoires et sans fondement juridique aucun », a écrit l’homme au robe noire.
Sur les accusassions de non réciprocité entre le Barreau de Guinée et ceux du Mali et de la France (où il est inscrit aussi), l’ancien Garde des Sceaux bottent en touche les arguments qu’il juge infondés de ses confrères guinéens. Selon lui il existe bel et bien une réciprocité entre d’abord la France et la Guinée d’une part, et de l’autre entre la Guinée et son pays le Mali et cela, depuis 1964 : « le Barreau de Paris est signataire d’une convention de réciprocité formelle, signée par le Bâtonnier de Guinée, avec son homologue de paris, même si son objet est restreint aux seuls sujets des droits de l’homme. Pour votre information, c’est bien sur la foi de la convention d’établissement de 1964, entre le Mali et la Guinée que j’ai déjà plaidé en Guinée pour le Président Alpha CONDE, mais aussi chaque fois que j’ai eu à conduire des procédures devant quelques juridictions que ce soit. C’est également sur la base de cette convention que mes nombreux confrères guinéens, qui ont eu l’occasion de plaider au Mali se sont fondés pour plaider, sans grief ni reproche et aucun avocat guinéen ne s’est retrouvé à Bamako comme moi à Conakry en ce moment ; C’est aussi sur la base de cette convention que deux Confrères guinéens ont été inscrits au tableau de l’Ordre des avocats du Mali, l’un étant aujourd’hui décédé, paix à son âme (Bouba DIARRA) et le second n’étant ni plus ni moins que le Bâtonnier en exercice de l’Ordre des avocats de Guinée, Djibril KOUYATE, doublement inscrit en Guinée et au Mali et encore aujourd’hui depuis vingt-huit ans au moins. Djibril KOUYATE est le 121ème avocat sur le tableau de l’Ordre des avocats du Mali. Est-ce à moi qu’il revient encore de faire la preuve de la réciprocité entre nos barreaux ? Les faits ne sont-ils pas plus parlants que les textes ici ? », s’interroge-t-il.
Il lui est en outre reproché d’avoir tenu des propos discourtois, comme nous l’avons signalé ci-haut. Mais dans sa lettre de cinq (5) pages adressée à ses confrères guinéens, l’avocat d’Ibrahima Kassory Fofana s’est ainsi défendu : « Le terme « mensonge » utilisé porte sur une présentation inappropriée des faits et charges par un Procureur, effectuée publiquement, qui justifiait, au nom du principe de l’égalité des armes, une réponse immédiate et instantanée. En tout état de cause, ce droit que j’ai exercé, ne saurait justifier une sanction disciplinaire d’interdiction absolue de plaider et sans aucune limite dans le temps si ce n’est l’espace. Vous n’ignorez pas que l’interdiction de plaider est une sanction non prévue par la loi guinéenne qui régit la profession d’avocat. De plus, cette sanction a été prise en dehors de toute poursuite disciplinaire qui, ainsi que vous le savez, est procédurale strictement encadrée, et commence par une enquête, une information, une confrontation et un jugement par des « autorités » distinctes », estime-t-il.
Sur les griefs à lui portés de non domiciliation, la réponse de Me Konaté ne s’est pas fait attendre. L’avocat affirme dans sa lettre avoir été accueilli par l’actuel bâtonnier himself. Les deux, à en croire l’avocat malien, ont ensemble fait toutes les formalités de constitution de défense d’IKF et sa domiciliation au cabinet Jurifis Consult : « il en est de même, s’agissant du motif tenant à la domiciliation : lorsque je suis arrivé à Conakry, j’ai été accueilli par le Bâtonnier Djibril KOUYATE (défenseur de IKF) que je connais depuis près de trente ans au moins. C’est avec son microordinateur que nous avons saisi ma lettre de constitution et c’est bien lui qui m’a accompagné à la CRIEF pour accomplir les formalités de constitution ; c’est encore lui qui m’a conduit, en compagnie de mon Confrère Ousmane SEYE du Barreau du Sénégal pour faire les salutations d’usage au procureur spécial, président de la CRIEF, procureur général…et tous les actes de procédure dans le cadre de l’affaire « IKF », établis par ses soins et qui comporte mon nom, indiquent tous que je suis domicilié chez lui et c’est le cas depuis vingt-cinq ans que je plaide en Guinée ; son cabinet Jurifis Consult est le nom de mon cabinet qu’il a emprunté à sa demande et sur mon autorisation et, je suis aussi proche de lui que du Bâtonnier Boubacar BARRY son associé, aussi longtemps qu’ils sont associés », a écrit l’ancien Garde des Sceaux du Mali, qui dit déplorer l’absence de confraternité des avocats guinéens vis-à-vis de lui.
Décryptage de la rédaction de Confidence224.com