21 novembre 2024
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TRIBUNE : l’Education guinéenne, c’est maintenant ou jamais (Par Abdoulaye Dieng)

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Une vision d’ensemble de notre système éducatif révèle avant tout la nature catastrophique des résultats des examens nationaux d’année en année, depuis plus d’une décennie avant d’aboutir à ce coup de grâce de 2022. Catastrophe d’autant plus sensible qu’à aucun niveau le pourcentage d’admission n’est reluisant : 17% au CEP, 15% au BEPC et enfin 9% au baccalauréat. Ces résultats sont pourtant l’expression du vrai visage de l’Ecole Guinéenne, quand on se souvient des mesures prises pour rendre les évaluations crédibles. Ils ont mis à nu les modes d’évaluation coutumière depuis des décennies, ce malgré le slogan : ‘’tolérance zéro !’’ ou encore ‘’tolérance zéro vers l’excellence !’’ Ces résultats prouvent à suffisance que la tricherie, la fraude et le laxisme avaient gagné jusque dans ses racines le système éducatif guinéen et, par tant toute la sphère administrative et la vie publique nationale. On s’était habitué à une corruption devenue institutionnelle. Nous connaissions tous les modes opératoires malsains de nombreuses écoles tant publiques que privées lors de ces examens visant à s’offrir les meilleurs scores, gage certain des gros effectifs dans les classes pour les années à venir. La notoriété des établissements, le crédit des maitres enseignants ainsi que leur prospérité en dépendent. Tout le monde le sait mais personne n’en parlait ! D’où la culpabilité collective.

Mais ce système n’est pas installé ipso facto ! Il s’est établit au fur et à mesure. En effet, depuis l’instauration du programme EPT (Education Pour Tous) autour des années 2000, le passage automatique a été introduit dans les classes intermédiaires. L’éducation de masse a gagné le pas sur la qualité des apprentissages. Il fallut alors, pour combler le manque d’enseignants, recruter toutes catégories ‘’d’instructeurs’’, juste pour maintenir les enfants en classe pendant la période de cours. Des gens mal formés eux-mêmes, choisis pour dit-on former les enfants, au lieu de les former, ils les déforment ! Ils les détruisent. Maintenant nous voilà avec les conséquences directement ou non liées à ce programme inadapté.

En outre l’école était devenue un centre d’enseignement et non d’éducation car tout acte de pression physique ou verbal est vu comme une ‘’violence’’ physique ou morale/verbale. Pour cette raison les enseignants laissent le soin aux parents d’éduquer leurs propres enfants et eux s’occupent désormais de la simple instruction. Nous savons tous la conscience d’un adolescent et sa responsabilité personnelle quand il n’est pas suivi. Or, les parents ont peu de temps avec les enfants à domicile. Si on peut en parler, c’est le règne de ‘’l’auto-éducation’’. A qui la faute !

Dans un autre sens, la mondialisation et les technologies de l’information et de la communication ont joué leur partition pour détourner les apprenants des objectifs d’apprentissage scolaire. Cette période de la digitalisation de ‘’la vie aux écrans’’ pourtant incontournable agit de manière irréversible sur le processus formation-apprentissage qui unit enseignants et élèves. Alors qu’on aurait pu domestiquer ces outils pour qu’ils soient au service de l’éducation. Dommage ! Ils sont plutôt entrain de casser les pratiques éducatives.

Autres raisons de la baisse de l’enseignement guinéen, c’est la précarité de la vie des enseignants et des conditions de travail : faibles ressources, absence de gestion de carrière des enseignants, l’absence du moindre confort au sein des milieux éducatifs ou sphères de travail, l’absence d’outils pédagogiques modernes, le manque de formation continue des enseignants, la sédentarisation des enseignants et encadreurs de l’éducation, l’inadéquation entre la formation et le marché de l’emploi, le manque d’infrastructures et équipements scolaires surtout de qualité entre autres.

En fin, les responsabilités.

Moi j’impute l’entière responsabilité à l’Etat. En termes claires, aux décideurs. Pour s’en convaincre posons-nous les questions suivantes : Primo, qui définit la politique éducative dans un pays ? La réponse sans équivoque c’est que c’est l’Etat ! Secundo, qui élabore les programmes à enseigner ? C’est aussi l’Etat ! Tertio, qui définit les stratégies de mise en œuvre ? C’est encore l’Etat ! Quarto, à travers qui les moyens techniques et financiers sont-ils reçus ? C’est également à travers l’Etat ! Quinto, qui fournit le personnel ? C’est toujours l’Etat ! Et enfin sexto, qui assure le suivi-évaluation des enseignements/apprentissages ? C’est en définitive le même Etat !

En conclusion, l’échec des élèves qui est aussi l’échec du système éducatif et en même temps celui de toute la nation est de la responsabilité des dirigeants. Eux seuls sont investis des pouvoirs publics leur permettant d’agir ou d’interagir pour relever le niveau de notre système éducatif en lambeaux, il faut l’avouer. Quand aux solutions à envisager, elles peuvent être situées à certains niveau dont :

Au plan de la politique éducative, du mode d’enseignement et des contenus des apprentissages. A ce niveau il faut :

La révision de la politique éducative guinéenne ; la réglementation et le contrôle de la mise en place et du fonctionnement des écoles privées ; la redéfinition des objectifs éducatifs ; la révision de tous les programmes d’enseignement de la maternelle au lycée ; l’instauration de la valeur sociale, le patriotisme et la citoyenneté dans les programmes du secondaire à l’image du sport scolaire ; la transformation des techniques et méthodes d’enseignement, en permettant l’équilibre entre la théorie et la pratique ; valoriser l’enseignement technique ; il faut opérer des mutations pour aller vers le numérique, à la digitalisation.

Au plan de la gestion du personnel, il faut :

Assurer la formation et le suivi des encadreurs de l’éducation ; l’assainissement du mode de recrutement des enseignants en s’appuyant sur les mérites ; procéder à une gestion efficiente des carrières des enseignants ; promouvoir les qualités et valeurs et non des personnes ; veiller à l’équilibre du mouvement fonctionnel des enseignants au sein du territoire national ; veiller à la formation continue des enseignants.

Au plan technique et infrastructurel, il faut :

Rendre le secteur de l’éducation plus attractif par les privilèges accordés aux travailleurs du domaine ; améliorer les infrastructures et équipements scolaires ; augmenter le budget alloué au secteur de l’éduction ; exiger de la rigueur pour accroitre le rendement.

NB : N’ayant pas de poubelles à enfant, aucun élève ne doit être jeté en pâture car chacun a son domaine de prédilection. C’est aux enseignants et encadreurs d’identifier ce domaine pour y orienter les enfants. Sinon on dira simplement que le système est inopérant et inconvénient.

Je dirai en denier ressort que la Guinée est en mal de l’éducation de ses futures élites. Et pour retrouver son équilibre il est urgent qu’elle repense son système éducatif qui, seul, pourra changer la courbe de sa progression. Et pour l’heure, je considère les résultats de cette année comme un pas vers la Refondation de notre système éducatif. Ce succès est à l’actif de l’actuel Ministre de l’Education, Excellence Guillaume Hawing que je salue pour son audace et son patriotisme. Qu’il considère ces échecs tel un succès chez lui car le changement a toujours besoin de sacrifices. Alors ils ont été choisis, ces sacrifices, il convient d’assumer ce choix.

Ce que je dirai aux élèves et même aux parents d’élèves, c’est de courir derrière les compétences au lieu de chercher l’attestation, car le vrai diplôme se trouve en tête, dans la mémoire. Le monde cesse de demander ce que tu as fait pour dire de montrer tes capacités et c’est lui qui vaut pour notre règne désormais.

Par Abdoulaye Dieng, enseignant

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