Je pense qu’il serait important, avant tout, de combler le déficit de 14000 enseignants au primaire.
À analyser cette situation, on comprend deux problèmes fondamentaux : la qualification et l’insuffisance des enseignants en situation de classe.
Au chapitre de la qualification des enseignants, le travail pourrait se faire à quatre (4) niveaux : le recrutement de nouveaux enseignants qualifiés, la motivation des enseignants existants, la qualification des enseignants formables et la réorientation des enseignants non formables où ils commettraient moins de dégât après le test de niveau bien organisé.
Il y a un aspect qui serait souvent occulté pour la qualification des enseignants, c’est la motivation. Quand un enseignant est compétent, il devrait en bénéficier notamment en termes de promotion. Ce n’est pas parce qu’il est comptent qu’il doit éternellement rester en situation de classe. C’est aussi un facteur de démotivation silencieux. Si vous quittez la classe, qui va vous remplacer ? Et s’il meurt ? Ce sont là des expressions qui frustrent et qui tuent à petit feu. On ignore qu’un enseignant compétent dans une ou deux classes est compétent seulement pour ces classes mais un enseignant encadreur ou responsable compétent l’est pour toute l’école s’il est directeur, pour tout le système s’il est au département surtout s’il peut cumuler les deux fonctions.
Pour le recrutement des enseignants qualifiés, l’État a créé une institution spécialisée appelée ISSEG. Ce qu’il faudrait revoir au niveau de cette institution et ils sont en train de fournir des efforts, c’est que les 80% des sortants de cette institution ne seraient compétents qu’au collège, incompétents au lycée. Il leur est difficile d’enseigner dans les classes de terminale. Comment je l’ai su ? Je l’ai su quand j’étais responsable d’une école. Les sortants de Gamal, Kankan, N’Zérékoré en mathématique, Biologie, Chimie etc, paraissaient compétents par rapport aux sortants de l’ISSEG, dans les mêmes matières. Des sortants de l’ISSEG que j’ai reçu, seulement 2% étaient en mesure de tenir les classes de terminale notamment en Mathématique, Biologie, Chimie et Physique…
Rappelons aussi que dans d’autres institutions d’enseignement supérieur, il y a des options destinées uniquement à l’enseignement comme par exemple au département de philosophie de l’université de Sonfonia, il y a une filière appelée « professeur de philosophie ». En privilégiant les sortants de l’ISSEG, il est aussi important de privilégier les options destinées uniquement à l’enseignement dans d’autres institutions.
Ainsi, pour donner de la valeur à l’ISEG, faisons en sorte que pour y être orienté après le Bac, il faut passer un concours comme on le fait pour être orienté en médecine. L’avantage, c’est que les sortants devraient être directement engagés au compte de l’État comme enseignants après leurs formations.
Mais ne vont-ils pas se retrouver dans d’autres départements comme d’habitude ? Vont-ils enseigner quand ils seront mutés à l’intérieur du pays ?
La question relative à la répartition rationnelle, proportionnelle, horizontale voire verticale des enseignants est possible avec certaines conditions : créer un fichier spécial avec des numéros matricules spéciaux propres seulement à l’éducation et qui ne peut se retrouver ailleurs avant de conditionner le virement des salaires des enseignants.
Pour le recrutement des enseignants, il serait important de tenir compte de la spécialité. En principe, chacun doit enseigner dans sa spécialité. C’est pourquoi il serait difficile voire impossible pour un politologue ou un juriste d’enseigner à l’enseignement pré universitaire ou au MEPU-A. Qu’est-ce qu’il va y enseigner ? On les voit souvent enseigner la philosophie et le français. Mais un juriste qui enseigne la philosophie ressemblerait à un dentiste qui, par manque de chirurgien, se propose de faire une opération chirurgicale. Il est plus qu’un assassin. Un mauvais médecin tue un ou des patients mais un mauvais enseignant tue toute une génération.
Comment voulons-nous qualifier l’enseignement quand la plupart des enseignants sont transformés par manque de spécialistes ? J’ai surpris un enseignant transformé en professeur de philosophie un jour en situation de classe, il était sur un passage de Friedrich
Nietzsche où il dit que « dieu est mort ». Pour cet enseignant, il s’agit de « la mort biologique de dieu » alors que Nietzsche veut juste dire que la foi en dieu qui nous fait faire les choses est morte. Par exemple, si on accepte d’être colonisé au nom de dieu et le jour où on demandera son indépendance, en faisant fi de dieu, en refusant de tenir dieu pour responsable de notre colonisation, ce jour-là, « dieu est mort…. »
En résumé, pour avoir suffisamment des enseignants qualifiés en situation de classe, il serait important d’organiser des tests, réorienter ceux qui ne sont pas aptes à enseigner, former les formables et motiver les excellents. Pour être orienté à l’ISSEG après le bac, il faut être soumis à un concours et engagé directement les sortants de cette institution au compte de l’éducation. Créer un fichier et numéros matricules spéciaux de l’éducation déconnectés de la fonction publique si c’est possible pour éviter l’interconnexion entre le système éducatif et les autres départements ministériels et, si l’enseignant est au virement, domicilié son salaire à la banque de sa zone de service avec l’impossibilité de retirer en dehors de cette zone sauf pendant les vacances ou une autorisation du Ministre. Juste une idée ! Je peux me tromper. Je le sais.
N’Valy Condé, Philosophe.