19 septembre 2024
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Débat autour du loyer de la CENI : les vérités crues de Dr Alhassane Makanera Kaké

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Suite à la sortie tonitruante du Ministre de l’Administration du Territoire sur les finances de la CENI, et singulièrement sur le loyer de l’institution, les réactions fusent de partout. Cette fois-ci c’est le tour de l’ancien patron du département juridique et accréditation de la Commission Electorale Nationale Indépendante de briser le silence. Dans une interview accordée à la rédaction de Confidence224.com, Dr Alhassane Makanera Kaké  donne sa part de vérité et invite les nouvelles autorités à aller au-delà de la CENI pour faire la lumière sur les différents contrats de location de l’Etat.  

Confidence224.com : L’actualité qui défraie la chronique actuellement en Guinée c’est bien celle relative aux finances de la CENI ; singulièrement le coût mensuel du loyer de l’institution. En tant que membre de la CENI dissoute, dites-nous qu’est-ce que vous en savez ?

Dr Alhassane Makanera Kaké : Merci ! Bon, pour ce qui concerne les finances je tiens à préciser qu’au sein de la CENI je relève du Département Juridique et Accréditation. Ceci dit, je n’ai aucune information sur les finances étant donné que je ne participe pas à la gestion. Les lois sur le CENI ne m’en donnent pas la possibilité. En revanche, pour ce qui concerne le loyer j’ai une idée. D’abord je commencerai par vous dire que l’immeuble qui abrite l’institution est loué à 5mille dollars par palier, et un palier comporte quatre appartements. Dans tout l’immeuble vous avez au total douze (12) paliers. Donc lorsque vous multipliez par 12 les 5mille dollars que coute un palier, vous aurez un montant total de 60mille dollars. Voici en réalité ce que débourse la CENI comme frais de location de l’immeuble qu’elle abrite. Mais ce que j’aimerais ajouter comme information, c’est que le contrat de location de cet immeuble est antérieur à la CENI dissoute. C’est l’œuvre de l’ancienne équipe donc qui précède la toute dernière équipe. Mais ce qu’il faut aussi ajouter à cela, c’est que lorsque l’ancien contrat est arrivé à son terme, il était question que l’institution déménage dans un autre immeuble juste à côté. Le motif était que le loyer était cher. Où la CENI devait aller il y avait 24 appartements qui devaient couter au total 250millions le mois à l’institution.  Mais où on dit que c’est cher, c’est-à-dire là où la CENI devait quitter, il y avait 48 appartements. C’est ainsi que j’ai pris sur moi l’initiative d’approcher le propriétaire de l’immeuble pour attirer son attention sur le fait que si la CENI arrivait à lui rendre les clés de son immeuble, il lui serait difficile d’avoir une autre entreprise qui viendra louer tous les 48 appartements à la fois. Je lui ai donc fait savoir qu’il avait tout à gagner s’il acceptait de revoir son prix de loyer à la baisse. Les négociations furent âpres mais je suis parvenu à rapprocher les deux positions. Et c’est ainsi que le monsieur a accepté de signer un nouveau contrat, cette fois-ci à 250millions le mois ; c’est-à-dire au même prix que celui qui avait 24 appartements. Voici la situation à date.

Confidence224.com : Dans sa dernière sortie médiatique, le Ministre de l’Administration du Territoire a fait étalage de ce montant de plus de 60 milles dollars que l’opinion a trouvé assez faramineux. Quelle est vous votre lecture par rapport à tout cela ?

Dr Alhassane Makanera Kaké : Ecouter, le schéma est simple. Quand vous avez un bœuf et un coq, ça va de soi que les deux n’aient pas le même prix. Quand je vous dis que j’ai payé le coq à 1million, vous direz sans doute que j’ai gaspillé l’argent de l’Etat. Mais quand je vous dis que j’ai payé le bœuf à 1million500milles, vous trouverez que c’est tout bénef. Je vous dis que l’immeuble compte 48 appartements que le monsieur a donné à la CENI au même prix que celui qui n’avait que 24 appartements. Faites le calcul vous-mêmes. Si la CENI avait pris seulement un palier, elle ne payerait que 5milles dollars. Mais elle en a pris 12, voilà pourquoi.

Confidence224.com : C’est vrai Dr Makanera. Mais vous conviendrez avec moi que pour l’opinion, cela reste tout de même trop élevé. Ceci dit, je m’en vais vous demander personnellement Docteur, si vous étiez à la tête d’une CENI en Guinée, auriez-vous besoin d’un tel montant rien que pour le loyer ?

Dr Alhassane Makanera Kaké : Je fais partie des guinéens qui trouvent que l’Etat fait de gaspillage énorme en refusant de construire alors qu’il paye chèrement la location des bureaux pour abriter certains ministères et établissements. C’est une erreur monumentale. Mais je sais que c’est fait à dessein. Je sais qu’il y a beaucoup de choses derrière. C’est un problème qui ne concerne pas que la CENI. Demander à l’Etat de rendre public les différents contrats de location, j’en suis sûr que vous aurez des tournis. Vous verrez qu’on a tout à perdre lorsque l’Etat loue. J’ai fait une contribution au CNRD que j’ai intitulé ‘’Contribution au CNRD pour la sortie de la transition’’. Dans ledit document, la première invite que j’ai lancée aux nouvelles autorités est d’auditer les différents contrats de l’occasion de l’Etat. Si cela est fait, vous trouverez qu’avec tout cet argent, au aurait pu construire.

Confidence224.com : Au début de cet entretien vous avez laissé entendre que vous n’étiez pas informé de ce contrat de location. A ce que je sache, vous étiez le chef du département juridique de l’institution ; et qui parle de contrat parle de droit. Comment se fait-il que vous ne soyez pas associés ? Dites-nous comment ça fonctionnait alors ?

Dr Alhassane Makanera Kaké : Ce que vous dites est exact. Le service juridique, dans toutes les organisations s’occupe des actes juridiques. Mais en Guinée malheureusement ça ne fonctionne pas comme ça. Il y a des contrats qui ont été signés à la CENI qui faisaient beaucoup de millions mais que je n’ai jamais vu. Je n’ai ni participé à leur rédaction, ni vu ne serait-ce qu’une copie. Je voulais à un moment donné avoir une banque des données juridiques de l’institution mais en vain. Je n’ai eu aucun contrat. Mais ceci n’est pas une spécificité de la CENI. C’est un disfonctionnement de l’administration de façon générale. Aller dans n’importe quel département et demandez au conseiller juridique de vous faire la situation juridique de son institution ; qu’il vous présente les actes, tous les actes. Je suis prêt à parier qu’il ne pourra pas vous satisfaire.  Moi qui vous parle, j’ai été Conseiller Juridique du Ministère de la Fonction Publique. Mais c’est à la télé que j’apprenais que mon département avait signé des contrats avec de tierces personnes, alors que dans mes attributions il est clair que c’est à moi que revient la rédaction des projets de contrats et je dois même participer aux négociations. Ce que je vous dis est un véritable problème. C’est pourquoi le CNRD doit faire en sorte que dans l’administration chacun reste dans ses attributions. Si le contrôleur n’est pas au courant de ce qu’il doit contrôler, dites-moi comment va-t-il pouvoir contrôler ? Si tout se fait dans l’omerta au seul niveau de l’ordonnateur, soyez d’accord avec moi qu’il y a problème. C’est pourquoi moi je reste convaincu que cette transition est une chance pour la Guinée. Je lance honorablement un appel aux nouvelles autorités de travailler à faire fonctionner correctement cette administration. Ils doivent faire en sorte que chacun joue pleinement son rôle. Le Conseiller Juridique doit donner son avis sur les actes juridiques, le contrôleur financier doit contrôler les finances, l’auditeur doit auditer, le comptable doit encaisser et décaisser, c’est tout. Quand on arrive à ça, je dirais qu’on n’aura même pas besoin de changer les hommes. Vous trouverez que la machine administrative fonctionnera correctement.

Confidence224.com : Dernier virage de cet entretien, récemment il vous a été donné de constater le transfèrement de l’essentiel des prérogatives de la CENI au Ministère de l’Administration du Territoire. Quels commentaires avez-vous à ce sujet ?

Dr Alhassane Makanera Kaké : D’abord il vous souviendra que la CENI qu’on a connu en Guinée a été la résultante d’un constat, d’un combat depuis les premières élections de 1993. C’est ce qui a donné la CENI actuelle. Bien sûr qu’il y a des problèmes. Mais on n’a pas voulu débattre pour savoir où se situe ces problèmes. Moi mon souhait ardent est que la CENI fasse l’objet d’un débat contradictoire pour qu’on sache réellement ce qui n’a pas marché et pourquoi. Mais s’il n’y a pas de débat et qu’on se focalise seulement sur le loyer pour justifier le retrait, pour moi on est à côté de la plaque. Le loyer est certes important, mais je proposerais qu’on aille beaucoup plus en profondeur pour poser le vrai débat sur l’avenir de l’institution. Voilà comment on aurait dû procéder. Ce n’est pas parce que votre chien est malade qu’il faut le tuer, tentez d’abord si vous pouvez le sauver en le soignant.

Mohamed Lamine Sylla pour Confidence224.com

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